Thème du Tiers inclus : La foi
Antagonismes en interaction : Raison ~ Sensation, Prière ~ Émotion musicale, Dévotion ~ Plaisir de la mélodie, Ars Antiqua ~ Ars nova. Entre recueillement et plaisir et effets que procure la musique, Péché ~ Pureté
*
Le chant embellit la prière mais jette un trouble.
Il nécessite un effort incessant
pour canaliser l’émotion qu’il suscite
et
endiguer une jouissance perturbatrice de la dévotion
*
Saint Augustin Confessions Livre X, ch. XXXIII
Les plaisirs de l’ouïe m’avaient enveloppé et subjugué plus tenacement,
mais vous m’avez délié et libéré.
Je me plais maintenant encore, je l’avoue,
aux chants qu’animent vos paroles,
lorsqu’ils sont exécutés par une voix agréable et savante,
sans toutefois me laisser lier par eux
et tout en gardant la liberté de me lever quand je le veux.
Pour être admis en moi avec les pensées mêmes qui les vivifient,
ils cherchent dans mon cœur une place digne d’eux
mais j’ai peine à leur en trouver une qui leur convienne
Parfois je crois leur accorder plus d’honneur que je ne devrais
je me rends compte que ces paroles saintes
accompagnées de chant
m’enflamment d’une piété plus religieuse et plus ardente
que si elles étaient sans cet accompagnement
C’est que toutes les émotions de notre âme ont
selon leurs caractères divers
leur mode d’expression propre dans la voix et le chant
qui par je ne sais quelle mystérieuse affinité les stimule
Mais le plaisir des sens
par quoi il ne faut pas laisser énerver l’âme
me trompe souvent
La sensation ne s’en tient pas à accompagner la raison en la suivant modestement
mais elle qui tient de la raison tous ses titres à être admise
cherche à la précéder et à la conduire
C’est en cela que je pèche à mon insu
j’en prends conscience après coup
*
D’autres fois je me défie exagérément de ce piège
et je m’égare par trop de sévérité
C’est au point qu’en ces moments où je voudrais à tout prix
éloigner de mes oreilles et de celles de l’Église même,
la mélodie de ces suaves cantilènes
qui servent d’habituel accompagnement aux psaumes de David
Alors je crois plus sûre la pratique
qui fut celle d’Athanase, l‘évêque d’Alexandrie.
Je me souviens d’avoir souvent entendu dire
qu’il les faisait réciter avec de si faibles modulations de voix
que c’était plutôt une déclamation qu’un chant.
*
Cependant lorsque je me rappelle les larmes que je versais
en écoutant les chants de votre Église
aux premiers jours de ma conversion
et que maintenant encore
ce n’est pas à vrai dire le chant qui m’émeut
mais les paroles chantées
lorsqu’elles le sont par une voix pure avec des modulations appropriées
je reconnais de nouveau la grande utilité de cette institution.
*
Ainsi je flotte entre le danger du plaisir et la constatation des bons effets qu’elle opère
et, tout en me gardant d’un avis irrévocable
je penche à approuver la coutume du chant dans l’église
afin que
par le charme des oreilles
l’âme encore trop faible s’élève aux sentiments de la piété
D’ailleurs, quand il m’arrive d’être plus ému du chant que des paroles chantées,
j’avoue que mon péché mérite pénitence,
et alors
je préférerais ne pas entendre de chants
…
Confessions, Livre X, ch. XXXIII
Sensible à la musique, Saint Augustin s’efforcera de décider à l’avance d’un système d’évaluation qui permettra de la maîtriser, il s’efforcera de construire un référentiel lui permettant de décider du caractère licite ou non d’une profération rituelle. Le chant de la prière s’apparente alors à la gestion d’un risque profératoire.*
* Denis Laborde, Des passions de l’âme au discours de la musique.
Que la raison se laisse perdre par la sensation et nous retrouverons peut-être la raison par ces temps si durs et dénués de sentiments.
Merci de vos envois
Cordialement
Bonjour Claude
Je vous remercie pour votre envoi de mail !
Il est important de lâcher son cortex frontal pour vivre pleinement avec son striatum !
Carpe diem
Bien à vous