Si je dis : « je vais bien », je sais que c’est un jugement relatif, parce qu’il y là toutes sortes de nuances contradictoires ou de possibilités pour que je n’aille pas très bien; lorsque je dis « je vais bien », l’avis contraire « je ne vais pas bien » est là, en suspens, virtualisé mais ne disparait jamais. Lorsque j’énonce un jugement, j’énonce par la même le jugement contradictoire et je n’ai aucune possibilité de l’anéantir, je le virtualise.[1] L’actualisation de « je vais bien », potentialise « je ne vais pas bien », de la même façon que l’actualisation de « je ne vais pas bien », potentialiserait « je vais bien ».
La logique classique (ou logique d’identité, ou logique du tiers exclu) réussit à penser le changement en l’analysant en termes successifs, la succession des moments contradictoires se comprend mais leur coexistence elle semble illogique. Deux propositions contradictoires ne peuvent pas être fausses ensemble : si l’une est fausse, l’autre est vraie, il n’y a pas de tierce responsabilité, ceci est le fondement de la démonstration par l’absurde.[2]
La logique du contradictoire est dynamique et non statique. Ceci se traduit par les notions d’actualisation et de potentialisation. Qu’un évènement e se réalise, on dira qu’il s’actualise, qu’il passe d’un état potentiel à un état actuel. IPSO FACTO, l’évènement antagoniste non-e est potentialisé par l’actualisation de e : non-e passe de l’état actuel à l’état potentiel. Quand e s’actualise, (passe d’un état potentiel à un état actuel), non-e se potentialise (passe d’un état actuel à un état potentiel), quand non-e s’actualise, (passe d’un état potentiel à un état actuel), e se potentialise ( passe d’un état actuel à un état potentiel). Le postulat qui fonde la logique du contradictoire est que toute actualisation est conjointe d’une potentialisation antagoniste. Chaque état intermédiaire est constitué d’une dynamique s’actualisant conjointe à sa dynamique antagoniste se potentialisant. Les valeurs peuvent ainsi être ramenées à différents moments de cette actualisation-potentialisation et chacune est constituée par un degré d’antagonsisme entre deux non-contradictions opposées.
Chaque degré sera donc défini par TROIS paramètres : l’actualisation et la potentialisation de chacun de ses contraires et par son quantum d’antagonisme.
Est exclue de cette logique du contradictoire, l’actualisation absolue de la non-contradiction, car l’actualisation absolue d’une dynamique interdirait toute conjonction antagoniste. Mais le quantum d’antagonisme, le contradictoire lui-même (nommé tiers inclus), peut s’accroitre aux dépens de l’actualisation-potentialisation des pôles contraires. C’est donc trois pôles que cette logique reconnait : deux pôles définis par chacun des contraires et un pole qui résulte de leur relativisation réciproque. Le tiers est unificateur : il unifie « e » et « non-e ». il est impossible de comprendre cette unification non fusionnelle sans faire appel à la notion de « niveaux de réalité »
Les trois quanta logiques lupasciens sont directement inspirés par la physique quantique, notamment par le principe de superposition des états quantiques. Ils remplacent les deux conjonctions de la logique classique, faisant intervenir quatre termes logiques indexes : « si e est “vrai”, non-e doit être “faux” » et « si e est “faux”, non-e doit être “vrai” » [3] On comprend ainsi que Lupasco élargit la validité du principe de non-contradiction sans le rejeter. De la même manière, la physique quantique a un domaine de validité́ plus étendu que la physique classique.
La science recherche sans cesse des supports définitifs aux phénomènes, c’est-à-dire rigoureusement actualisés, des relations et des lois qui ne changent plus, et qui ne seront pas contredites. C’est pourquoi, dit Lupasco, la science n’émet que des jugements dits d’expérience ou hypothétiques. La logique du contradictoire, elle, montre pourquoi il ne peut pas en être ainsi : l’expérience est un phénomène dynamique, un développement énergétique qui comme tel, ne s’arrête jamais, ne peut s’actualiser rigoureusement, parce que sa structure même implique un dynamisme contradictoire, une énergie antagoniste qu’il ne peut que virtualiser et non détruire, sans se détruire lui-même. Même les mathématiques qui semblent échapper à ces considérations, peuvent être approchées de cette manière.[4]
Stéphane Lupasco apporte une approche ternaire du réel ouvrant de nouveaux espaces d’investigation tant dans les sciences dites exactes, que dans les sciences humaines. Il a commencé en donnant aux relations d’« incertitude » d’Heinsenberg un éclairage nouveau : on ne peut en même temps préciser la mesure de la position et la quantité de mouvement d’une particule quantique, la détermination de l’une entraine l’indétermination de l’autre et réciproquement de sorte que l’erreur des deux mesures conjuguées ne peut être réduite en deçà d’une limite mesurée par h, la constante de Plank.
Lupasco quant à lui dit : l’actualisation spatiale entraine la potentialisation de la quantité de mouvement, l’actualisation de la localisation temporelle entraine la potentialisation de l’extension en énergie. C’est le passage entre le potentiel et l’actuel, sans jamais pouvoir s’actualiser, qui constitue l’aspect le plus intéressant. Il a donc bouleversé le concept classique d’identité d’une particule en introduisant le principe de contradiction entre identité et non-identité. Il a conçu une mécanique Contradictionnelle dans laquelle la mécanique classique trouve sa place mais n’est plus qu’un cas particulier idéal, de la même manière que la logique classique n’est plus qu’un cas particulier et idéal de la logique dynamique du contradictoire. Lupasco a formulé la question capitale de l’extension de la « quantification » à tous les faits.[5] Il postule l’existence d’un troisième type de dynamique antagoniste, qui coexiste avec celle de l’hétérogénéisation qui gouverne la matière vivante et l’homogénéisation qui gouverne la matière physique. Ce nouveau mécanisme dynamique sous-tend l’existence d’un état d’équilibre rigoureux, entre les pôles d’une contradiction, dans une semi-actualisation et une semi-potentialisation. Cet état se nomme état « T ». La structure binaire est donc remplacée par une structure ternaire.[6]
La logique classique dit : 1 : Axiome d’identité : A est A ; 2 : Axiome de non contradiction : A n’est pas non-A ; 3 : Axiome du tiers exclu : Il n’existe pas un troisième terme T qui soit à la fois A et non-A. En logique classique, on ne peut concevoir en même temps la validité d’une chose et son contraire. La perplexité engendrée est bien compréhensible, comment affirmer et être sain d’esprit que la nuit est le jour, le noir est le blanc, l’homme est la femme, la vie est la mort. De la même façon la pensée binaire laisse perplexe : le bien et le mal, qui n’est pas avec nous est contre nous…
Les notions d’actualisation et de potentialisation changent le sens du mot « négation » par rapport à la logique usuelle. L’actualisation de e et la potentialisation de non-e ne sont jamais absolues car on retombe alors dans la logique d’identité non contradictoire. De cette nouvelle définition de la négation, ( puisque actualisation et potentialisation du terme antagoniste ne sont jamais totales, il reste toujours une actualisation minoritaire contradictoire de l’actualisation majoritaire: il reste toujours un QUANTUM de contradictoire.
Lupasco conclut : « […] il n’est pas d’élément, d’évènement, de point quelconque au monde qui soit indépendant, qui ne soit dans un rapport quelconque de liaison ou de rupture avec un autre élément ou événement ou point, du moment qu’il y a plus d’un élément ou événement ou point dans le monde (ne serait-ce que pour notre représentation ou notre intellect) […]. Tout est ainsi lié dans le monde […] si le monde, bien entendu, est logique […] [7]
[1] S. Lupasco, Le principe d’antagonisme et la logique de l’énergie, L’esprit et la matière, Le Rocher, p20
[2] « Je sais que je ne sais pas ce que je ne sais pas ; J’envie ceux qui sauront davantage, mais je sais qu’ils auront tout comme moi à mesurer, peser, déduire et se méfier des déductions produites, faire dans le faux la part du vrai et tenir compte dans le vrai de l’éternelle admixtion du faux ».Marguerite Yourcenar, L’œuvre au noir, Folio, p.159
[3] Marguerite Yourcenar nous dit la même chose en la bouche de Zénon: « Je sais que je ne sais pas ce que je ne sais pas ; j’envie ceux qui sauront davantage, mais je sais qu’ils auront tout comme moi à mesurer, peser, déduire et se méfier des déductions produites, faire dans le faux la part de vrai et tenir compte dans le vrai de l’éternelle edmixtion du faux » , in Marguerite Yourcenar, L’œuvre au noir, La conversation à Innsbrück, Ed. Folio, p 159.
[4] S. Lupasco, Le principe d’antagonisme et la logique de l’énergie, L’esprit et la matière, Le Rocher, p21-24
[5] S. Lupasco, Les trois matières, op.cité, p 30-31.
[6] S. Lupasco, Les trois matières, op.cité.
[7] Stéphane Lupasco, 1951, 1ère éd., p.70.
Si j’ai bien compris, quand une proposition est vraie, l’autre est forcément fausse.
Je veux dire que 2 propositions contradictoires ne peuvent être vraies ensemble ou fausses ensemble,
(comme on voudra).
« e et non-e » ne peuvent être vrais ou faux ensemble.
On peut par exemple affirmer que la couleur rouge est rouge (proposition vraie)
si on affirme que le rouge est noir, cette proposition est fausse, même si le rouge et le noir s’épousent très bien, comme dit la chanson de Brel. Tiens, s’ils s’épousent très bien grâce au tiers inclus…
Bref « e est vrai et non-e est faux » dans cet exemple.
Peux-tu stp Claude m’expliquer alors comment le tiers peut être un élément d’unification de e avec non-e
comme tu le suggères ?
Entre 2 pôles contraires (e et non-e) un 3 éme pôle pourrait alors émaner de la relativisation réciproque des 2 pôles contraires ? C’est bien ta façon de voir n’est-ce pas?
Et si ce 3ème pôle unifie, pourquoi alors ne serait-il pas fusionnel comme tu l’affirmes ?
Peux-tu stp Claude m’apporter tes lumières sur ces différents points.
PS : comment « le tiers » peut-il avoir une fonction unificatrice entre et e non-e ?!
Le « tiers » est unificateur, il unifie e et non- e écris-tu.
Cher Alain,
La principe essentiel de la logique du tiers inclus est le suivant:
» A tout phénomène, élément ou événement logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l’exprime, au signe qui le symbolise : « e », doit toujours être associé, structurellement et fonctionnellement, un anti-phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement, une proposition, un signe contradictoire : « non-e »… »
Stéphane Lupasco précise que « e » ne peut jamais qu’être potentialisé par l’actualisation de « non-e », et ne jamais disparaître.
De même, « non-e » ne peut jamais qu’être potentialisé par l’actualisation de « e », et ne jamais disparaître.
L’état T (« T » de « tiers inclus ») est défini comme un état « ni Actuel ni Potentiel »
Lupasco définit donc trois principes : l’actualisation A, la potentialisation P et le tiers inclus T.
Comme « e » et « non-e » ne disparaissent jamais, ils possèdent formellement également ces trois indices : A, P, et T.
On obtient donc ce que Lupasco nomme les quanta logiques, composés de six termes logiques
1. L’actualisation de e est associée à la potentialisation de non-e ( deux termes logiques)
2. L’actualisation de non-e est associée à la potentialisation de e ( deux termes logiques)
3. Le tiers inclus de e est, en même temps, le tiers inclus de non-e. ( deux termes logiques)
Si le tiers unifie bien « e » et « non-e », pour comprendre qu’il est non-fusionnel, il faut faire appel à la notion de « niveaux de Réalité » décrite par Nicolescu ( Notamment dans son livre : Nous la particule et le monde)
Les trois quanta logiques de Stéphane Lupasco ( on parle de logique tri-dialectique) sont directement inspirés par la physique quantique. Ils remplacent les deux conjonctions de la logique classique, qui ne font quant à eux intervenir que quatre termes logiques: » si e est « vrai », non-e doit être « faux » » et » si e est « faux », non-e doit être « vrai « .
La logique classique, quant à elle, est fondée sur trois axiomes :
1. L’axiome d’identité : « A » est « A ».
2. L’axiome de non-contradiction : « A » n’est pas « non-A ».
3. L’axiome du tiers exclu : il n’existe pas de troisième terme « T » (T de « tiers inclus ») qui est à la fois « A » et « non-A ».
Dans la logique classique, on ne peut affirmer en même temps la validité d’une chose et son contraire : A et non-A.
La logique du tiers inclus permet d’affirmer en même temps la validité d’une chose et son contraire : A et non-A
Ai-je bien compris en disant que le quantum contradictoire entre le « jour » et la « nui »t est grand, élevé, important ; et que le quantum contradictoire entre « ce qui n’est pas avec nous » et « ce qui est contre nous » est petit, faible ?
Bonjour Monsieur,
Pardon pour cette réponse tardive.
Non. Le tiers inclus ( que vous nommez quantum contradictoire) n’est pas petit ou grand. Il contient un certain degré d’actualisation et un certain degré de potentialisation des éléments, évènements ou phénomènes dont il émane. Ce sont ces degrés d’actualisation et de potentialisation qui varient.
Les éléments, évènements ou phénomènes dont émane le tiers inclus ne sont jamais absolutisés ( sinon l’on se retrouverait dans une logique binaire non contradictoire) . Le tiers inclus lui même n’est jamais absolutisé. Il contient la contradiction et donc la dynamique du devenir …
Merci de votre intérêt.
Je reste à votre disposition
Salutations distinguées
C. Plouviet
Dans la logique du tiers inclus de S. Lupasco, logique dynamique du contradictoire, il y a une troisième phase T qui sépare les deux phases d’un conflit à deux actants, et dans cette troisième phase il y a bimodalité où sont réunis les actants antagonistes: « Le tiers est unificateur : il unifie « e » et « non-e ». », écrivez-vous.
Après avoir lu votre article et parcouru la fiche Wikipédia de Lupasco, j’ai le sentiment d’un rapport qui pourrait être profond entre la logique de Lupasco et les idées fondamentales concernant l’embryologie du philosophe-mathématicien René Thom pour qui l’assertion de nature translogique « le prédateur affamé est sa propre proie » est à la base de l’embryologie animale. Pour lui lors du cycle de prédation chat/souris -pour fixer les idées-, il y a une phase de bimodalité pendant laquelle le chat affamé désire la souris plus que lui-même, pendant laquelle il est donc virtuellement souris, phase qui cesse brutalement lorsqu’il aperçoit une souris réelle et redevient prédateur (avec libération d’énergie nécessaire à la poursuit, la capture et l’ingestion).
La différence que je perçois (après les seules deux lectures indiquées ci-dessus) est que l’approche de Lupasco semble plutôt de type » logique formelle » alors que l’approche de Thom est résolument géométrique. À noter l’importance fondamentale de l’affectivité dans les deux approches.
(De la réclame pour l’oeuvre de Thom.)
Pour Lupasco l’antagonisme dynamique entre deux actants est nécessairement ternaire: il y a pour lui nécessairement une phase dans laquelle il y a agonisme entre les deux actants (ce qui implique que pour lui tout est lié -ce qui est mentionné à la fin de l’exposé « Tout est ainsi lié dans le monde »:-).
La phase agoniste est la phase de bimodalité où une entité e est simultanément une chose et son contraire, comme le chat de Schrödinger, à la fois vivant et mort; d’où, je suppose, la raison pour laquelle Lupasco utilise le vocable « quantum ». Je pense que cette référence quantique ne peut que nuire à la compréhension des idées de Lupasco car, c’est bien connu¹, la mécanique quantique est inintelligible, et la prendre comme référence ne semble pas une bonne idée pour la rendre intelligible (l’un des objectifs que s’est certainement fixé Lupasco).
Je pense qu’il est préférable de prendre comme oxymore archétype le chat de Thom, simultanément prédateur et proie. Car il est beaucoup plus facile de se mettre dans la peau du chat de Thom que dans celle du chat de Schrödinger, il est beaucoup plus facile d’avoir l’intelligence² de la situation dans le premier cas que dans le second.
L’apport de Thom, selon moi considérable, est de spatialiser, de géométriser le problème. Il l’écrit dans l’envoi de son « Apologie du logos »:
« Ce n’est pas un hasard si, finalement, l’une des meilleures applications de la théorie des catastrophes est encore le modèle de l’agressivité du chien³ proposé par Christopher Zeeman. Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il a l’avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d’un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n’est pas évidente. »
La liste des oppositions binaires courantes est considérable⁴, mais certaines sont conceptuellement plus fondamentales que d’autres. Et c’est à celles-là qu’il faut tenter d’appliquer les méthodes lupascienne et thomienne. Thom a consacré à ce sujet un article « Thèmes de holton et apories fondatrices » qui figure dans « Apologie du logos ». Pour lui l’opposition qui domine non seulement la mathématique mais aussi toute la pensée est l’opposition discret/continu.
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¹: Richard Feynman: « Si vous croyez comprendre la mécanique quantique c’est que vous ne la comprenez pas. »
²: Pour Thom l’intelligence est la faculté de s’identifier à autre chose, à autrui. Et il est plus facile pour un humain de s’identifier à un chat plutôt qu’au boson de Higgs.
³: Ce modèle est présenté sous forme de fronce légendée dans « Paraboles et catastrophes » (pp.78 et 79). La ternarité lupascienne apparaît sur la fronce (dans la partie froncée -d’un tissu par exemple).
⁴: On en a un aperçu ici: http://tiersinclus.fr/caravage-1571-1610-la-diseuse-de-bonne-aventure/
Il y a un point que je trouve désagréable, c’est l’arbitraire apparent du choix de e et de non-e dans cet exposé, mais aussi dans la fiche Wikipédia de Lupasco. Pourquoi est-ce e qui est pris pour e, et non pas non-e? Pour une meilleure compréhension je crois qu’il faut préciser ce point, il faut que le signifiant, ici la lettre e, qui renvoie à l’entité en question, le signifié, soit neutre vis-à-vis du préfixe « non », autrement dit que e renvoie au tiers inclus de l’entité, au T lupascien. Ainsi dans la célèbre citation d’Aristote « il y a trois sortes de d’hommes, les vivants, les morts et les marins sur la mer », ce sont les marins sur la mer qu’il faut, à mon avis désigner par e, alors que les vivants doivent être désignés par ex par ep (p pour potentiel, un vivant étant un mort en puissance), et les morts par ea (a pour actuel, un mort étant un mort en acte, mais pas un vivant en puissance). Sous cette forme le problème de la disparition absolue de l’entité désignée par e, n’a pas des sens, parce que cette entité est; elle peut seulement disparaître relativement -disparaître derrière l’horizon par exemple, pour réapparaître plus tard.
Un autre exemple peut-être plus intéressant, car archétypique, est donné par la théorie thomienne des catastrophes, théorie immanente de l’analogie (un pli, par exemple, contient en lui-même son propre principe, car à quoi d’autre renvoyer analogiquement, sinon à lui-même). Dans l’exemple le plus simple, celui de la catastrophe pli, définie par la fonction V(x)=x³ présentant une singularité en 0 et de déploiement universel W(x)=x³+ax, x variable, a paramètre, ep désigne W lorsque cette fonction est croissante, c-a-d lorsque a est positif (l’entité désignée par ep est imaginaire, « en puissance » -alias les racines de la dérivée sont imaginaires-), et ea désigne W lorsque a est négatif, (l’entité désignée par ea est réelle, « en acte » -alias les racines de la dérivée sont réelles-), le tiers inclus T étant obtenu lorsque a=0, c’est-à-dire lorsque l’entité est réduite à V, désignée par e. (L’exemple de la catastrophe fronce est du même type, quoique techniquement plus compliquée, car la dérivée est du troisième degré, avec des racines plus difficiles à discriminer.) On voit sur cet exemple du pli qu’il s’agit d’un modèle dynamique continu, où l’on peut faire apparaître « en acte » et disparaître « en puissance » l’entité désignée par e en faisant varier le paramètre a continûment. C’est peut-être le modèle dynamique le plus simple (peut-être trop simple pour faire voir toute la complexité de cette logique lupascienne, il faudrait prendre l’exemple un peu plus compliqué de la catastrophe fronce) où l’on « voit » l’entité désignée par e à la fois en puissance et en acte: pour a=0 on a ep=e=ea.
« Pour Lupasco et sa logique dynamique du contradictoire, le « logique » est tout ce qui, dans le réel ou dans la pensée, a les caractères du devenir, c’est-à-dire tout ce qui existe. « Exister », ce n’est pas « être », c’est devenir. »
Pour moi la théorie des catastrophes de Thom réalise très exactement cette partie « logique » du programme lupascien qui permet d’aborder le changement continu -ce que ne sait pas faire la logique classique-, lui-même nécessaire pour aborder l’étude du vivant.
Le terme de quantum n’est pas approprié par ce qu’il présuppose une distribution discrète d’état de vérité allant de l’absolument faux a l’absolument vrai. Il me semble préférable d’utiliser le terme de quantité qui ne présuppose pas une discrétion ou une continuité.
L’exemple des couleurs est une continuité (il n’y a pas de quanta de longueur d’onde dans un rayonnement, jusqu’à preuve du contraire).
Tous les travaux sur la cohérence par exemple ne se réfèrent pas à la logique du tiers exclu.