ZOMBIS
Entre Vie et Mort
Thème du tiers inclus : Les Zombis
Antagonismes en interaction : Entre divin et humain, entre savoir et fiction, entre deux mondes, entre catholicisme et religions traditionnelles d’Afrique subsaharienne, entre les dieux et les hommes, entre vie et mort.
« Il n’existe pas un zombi mais d’innombrables formes de ce « non-mort »
selon que le regard est
ethnologique, sociologique, médical, juridique, littéraire, esthétique, etc. »
Philippe Charlier, commissaire de l’exposition » Les zombis »,
Musée du Quai Branly, Jacques Chirac, 2024-2025
Table des matières
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La zombification haïtienne
1.1. Racines d’Afrique sub-saharienne
1.2. Les routes de l’esclavage
1.3. Racines pré colombiennes :
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La mondialisation des zombis
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La (re) découverte des zombis d’Haïti
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Sortilèges et Zombification
-
L’armée des ombres de la société secrète Bizango
- Les cimetières en Haïti
-
Les « Non-morts » du vaudou haïtien
-
Le vaudou haïtien syncrétisme religieux transatlantique
-
Les loas du vaudou haïtien
8.1. Mami Wata
8.2. Papa Legba
8.3. Ogou
8.4. Les Marassas
8.5. Les Guédés
8.5.1 Baron Samedi
8.5.2. Maman Brigitte (ou Grande Brigitte)
8.6. Erzulie
8.6.1.Erzulie Freda
8.6.2.Erzulie Dantor
10 . Artistes Haitiens
10.1. Wilfrid Daleus ( 1949 -2017)
10.2. Gabriel Bien-Aimé ( né en 1951) . Grande Brigitte et Baron Samedi 1988
10.3. Myrlande Constant (née en 1968) Bannière Bawon 2005
***
Les Zombis
La mort n’est pas une fin
La figure de zombi correspond à un concept anthropologique précis attaché à la culture vaudou d’Haïti. Il se nourrit de trois sources :
- Les religions d’Afrique subsaharienne
- Les blessures de l’esclavage
- Les savoirs des populations autochtones précolombiennes de la caraïbe (Taïnos, Arawaks).
Le terme « zombi » recouvre une réalité sociologique complexe, entre savoir et fiction.
On distingue
- Le zombi classique à savoir un individu ayant commis des méfaits graves qui se voit jugé et condamné par des sociétés secrètes appliquant une justice magique parallèle à celle des hommes.
- Le zombi criminel empoisonné directement et sans procès
- Le zombi psychiatrique
- Le zombi social dans le cas d’usurpation d’identité
Cette peinture de l’artiste haïtien Hector Hyppolite figure la sortie de terre de deux zombis, couverts de tissu blanc, qui dissimule leur tête, sous l’autorité d’un bokor, ( sorcier) reconnaissable à son chapeau de paille et à la bouteille qu’il tient dans la main droite. Une corde retient les deux zombis à leur nouveau maître, comme des esclaves.
Quant à la bouteille, c’est une partie de leur âme, dont le bokor use pour les faire avancer et les contraindre. La scène se déroule dans un cimetière, avec des ossements au sol, et la croix noire de Baron Samedi, (divinité loa des morts, qui a autorisé le rituel).
1. La zombification haïtienne
La pratique de la zombification est spécifique à Haïti car elle trouve ses sources dans la conjonction de trois traditions :
1.1. Racines d’Afrique sub-saharienne
Elles pratiquent une sorcellerie visant à porter atteinte à distance à des victimes identifiées.
De nombreuses religions d’Afrique subsaharienne (région de l’ouest) considèrent la réalité des âmes errantes, des esprits de défunts et des corps morts auxquels une vitalité relative peut être temporairement restituée. Ces fantômes et revenants peuvent prendre des formes variables en fonction des cultures :
- Costumes étincelants de couleurs des egungun du vaudou (Bénin, Nigéria, Togo)
- Statuette énigmatique d’un zombi (fantôme d’un enfant mort en République démocratique du Congo)
- Objets magiques impliquant des défunts ou des forces surnaturelles (y compris le symbole de l’enclouage du sort et la présence de miroirs repousse-maléfices)
1.2. Les routes de l’esclavage
Elles ont fait se rencontrer civilisations et croyances qu’on retrouve sous la forme de zombi, lui-même esclave du sorcier ou bokor qui l’a créé.
La traite négrière transatlantique a fait se rencontrer civilisations d’Afrique subsaharienne et caribéennes. S’y est ajoutée l’inculcation forcée du catholicisme pendant la traversée de l’océan.
Ce syncrétisme est à l’origine des religions afro-caribéennes, à commencer par le vaudou haïtien, mais aussi le quimbois des Grandes Antilles, la santeria de Cuba, le candomblé et le macumba du Brésil, ainsi que le vaudou de Floride et de Louisiane.
Preuve de la marque profonde de l’esclavage dans la pratique vaudou en Haïti, les anciens objets d’esclaves, leurs sépultures, et même parfois leurs restes squelettiques ou éléments sépulcraux sont fréquemment utilisés pour capter leur force spirituelle lors des rituels.
Dès le début du 16ème siècle, la traite transatlantique des esclaves se met en place, réalisant ce qu’on a appelé le « commerce triangulaire ». Il consiste en un échange d’êtres humains arrachés à leur terre natale par la violence, contre des objets, des armes, de l’alcool, des textiles ou de l’argent. Plusieurs millions d’êtres humains vont être victimes de cette traite jusqu’u 19ème siècle. Côté européen, les grands ports négriers sont Liverpool et Nantes, sur la côte africaine, ce sont Gorée et Ouidah qui concentrent l’embarquement de ceux qu’on appelle alors « bois d’ébène ». Quant au débarquement, Rio de Janeiro et Hispanola (Saint Domingue, actuelles Haïti et République dominicaine) en sont les lieux principaux.
1.3. Racines pré colombiennes :
La tradition et l’imaginaire indigéniste haïtien rapporte que les populations autochtones de l’arc de la Caraïbe (Arawaks, Taïnos ou Kalinagos) savaient maîtriser et utiliser les poisons, toxiques, stupéfiants, drogues des côtes maritimes et du bassin amazonien provenant des ressources naturelles végétales, animales et minérales.
En premier lieu, de ces civilisations précolombiennes ayant côtoyé les esclaves au moment des premiers marronages, il y a les Taïnos chez qui l’usage de drogues végétales et animales par les caciques lors de rituels est bien connu. De fait, chaque temple vaudou accueille en son sein des objets archéologiques de ces populations autochtones (céramiques, pierres taillées ou polies, haches spatules, etc…) Ainsi s’exprime cette filiation mythique entre les populations, cette transmission fantasmée des savoirs, et cette protection espérée par les ancêtres.
2. La mondialisation des zombis
Dès le 17ème siècle, les zombis de Saint Domingue, (actuelle Haïti) sont décrits par les premiers voyageurs européens. Les écrivains les utilisent comme une figure de style littéraire (par exemple Le Zombi du Grand Pérou, en 1697), avant de laisser la place à des entités plus « proches » du monde occidental (vampires, fantômes, momies).
Au début du 20ème siècle, avec l’occupation américaine, les zombis d’Haïti vont être redécouverts par les ethnologues et devenir une source d’inspiration pour l’industrie cinématographique d’Hollywood (White Zombie, 1932, avec Bela Lugosi).
Mais très vite, loin de la réalité anthropologique du terrain, le zombi va échapper à la culture vaudou de l’arc antillais et devenir à l’échelle mondiale la figure effrayante de la mort contagieuse. C’est sous cette forme nouvelle, qui n’a plus rien à voir avec l’originelle, que le zombi est désormais connu, à travers des bandes dessinées (Walking Dead) ou des films (La nuit des morts vivants et toute la saga des films de George Romero) aux succès retentissants.
Pourtant, localement, les zombis n’ont pas disparu. En témoigne le chef-d’œuvre de Wes Craven (L’emprise des ténèbres, 1988), un film d’horreur américain rapportant de façon à peine romancée les travaux de l’ethnobotaniste Wade Davis en Haïti à l’époque des Duvalier (1957- 1986)
La vague mondiale des zombis
Dans les années 1950, les zombis vont échapper aux codes symboliques et anthropologiques du vaudou haïtien, et deviennent internationaux. Hors de tout contexte religieux et judiciaire, ils vont plutôt représenter la peur fantasmée (la phobie ?) d’une mort contagieuse, se superposant au fantasme des virus mortels et aux morsures de vampires d’Europe centrale. Cette crainte se décline sous la forme de films et séries (La nuit des morts vivants, 1968, Je suis une légende ; Walkind dead ; World War Z), de musiques (Thriller, Mickael Jackson ; Zombie, Cranberries), de bandes dessinées (Walking Dead), de jeux vidéo et de manifestations culturelles (Zombie Walks). Aucun continent n’échappe à cette vague déferlante du « nouveau zombi », avec quelques territoires extra-européens de prédilection : Mexique, Inde, Corée et Japon.
3. La (re) découverte des zombis d’Haïti
Les zombis font partie intégrante de la vie quotidienne. Ils sont pleinement présents dans les créations littéraires des auteurs haïtiens René Depestre et Dany Laferrière ; ils déambulent dans les rues lors des fêtes religieuses et païennes (Kanaval de Jacmel, par exemple) ; ils se donnent – une fois débarrassés de l’emprise du sorcier (bokor) – à l’objectif des photographes et aux interrogations des anthropologues et écrivains (William Seabrook, Zora Neale Hurston, Wade Davis, Jean Kerboull, Roland Wingfield).
À chaque fois, le zombi livre un aspect particulier de sa réelle complexité. Plus qu’un concept unique, il constitue une accumulation d’entités, allant de l’être damné et mis au ban de la société par un groupement magico-religieux, à un patient psychiatrique ou encore à un véritable usurpateur d’identité.
4. Sortilèges et Zombification
Le processus de zombification suivrait une organisation précise : préparation du poison par le sorcier (bokor) à bas de d’un poisson toxique, le tétrodon riche ne tétrodoxine) avec des éléments végétaux et animaux urticants et de la poudre d’ossements humains.
L’ensemble serait disposé dans les vêtements de la victime.
Quelques heures plus tard, la victime intoxiquée est retrouvée en état de mort apparente. L’enterrement a lieu rapidement, le certificat de décès est signé par deux témoins ici issus de la société secrète responsable de la zombification.
Dans la nuit suivante, le bokor profane la sépulture, sort le « cadavre » et le réanime avec un contrepoison en le flagellant avec des herbes.
Désormais privé de libre arbitre et de liberté, le zombi va survivre au service du bokor dans un champ de canne à sucre, une usine ou une habitation. Son état d’hébétude sera entretenu par une privation de sel. La mort du bokor ou une interruption de ces traitements aboutira à son réveil relatif, et à son possible retour vers la liberté.
Depuis les travaux controversés de l’ethnobotaniste canadien Wade Davis dans les années 1980, qui a décrit ce processus, on sait maintenant que la zombification est plus complexe. Les expérimentations de chercheurs japonais ont montré que la tétrodoxine ne jouait probablement qu’un rôle mineur, voir nul. Le concept des zombis dépasserait le cadre de la chimie et fait intervenir tout un système de croyances et de traditions.
5. L’armée des ombres de la société secrète Bizango
La société secrète Bizango
On compte une dizaine de sociétés secrètes du vaudou Haïtien, qui se disent descendre de groupes d’esclaves marrons, c’est à dire, fuyant leurs maîtres occidentaux (Chanpwell, Cochon gris, Cochon marron, Bozop, Bizango, etc… )
Selon leurs spécificités (région d’origine, divinité tutélaire, etc…), elles ses sont spécialisées avec le temps, acquérant des pouvoirs et des fonctions précises. La société Bizango joue ainsi un rôle judiciaire, à la fois préventif et curatif ; c’est elle qui a -traditionnellement – la charge de créer les zombis. Leur puissance tient à leur discrétion et au mystère qu’elles laissent planer sur leur véritable dangerosité.
L’armée des ombres de la société secrète Bizango est constituée d’un ensemble de fétiches et de poupées conservés au Bureau nationale d’ethnologie de Port au Prince. Ils proviennent de plusieurs sanctuaires haïtiens situés à Carrefour-Feuilles, Morne Tuffe, Bel Air, Baryajou, etc …
Fait à partir d’éléments divers (bouteilles, cornes de vaches, issus, jouets d’enfants, chaises, crânes humains, éclats de verre …), ces objets sacrés sont présents dans les temples et les sanctuaires, avec une fonction de protection et d’action, comme lanceurs de sortilèges. Ils contiennent en eux une partie spirituelle des anciens initiés de la société secrète, qui continuent sous cette forme transformée (notamment au cours des rituels dit de « zombification »). Preuve des sacrifices et des libations qui leur ont été faites, ces coulures de cire de bougie et ces projections d’huile et de sang sur leur surface.
6. Les cimetières en Haïti
Il y a beaucoup de vie dans les cimetières Haïtiens : ce sont des lieux où la religion et la culture vaudou sont les plus actives, de jour comme de nuit. La surface des sépultures est couverte de restes d’offrandes ou de sortilèges déposés par les prêtres (hougan), prêtresses (mambo) ou d’autres initiés.
Les funérailles s’enchainent toute la journée. Puis, la nuit, certains sorciers (bokor) viennent piller les sépultures pour récupérer les restes humains et objets funèbres ou « lever les zombis » ( c’est-à-dire les sortir de terre).
En Haïti, il est dit que la sève des arbres qui poussent sur les tombeaux est le sang des morts : c’est le lieu privilégié pour demander des actions au bénéfice des vivants.
C’est là, sur cet « arbre sablier » que les initiés viennent fixer des poupées vaudou pour « mourir une victime », la contraindre à l’amour, ou l’empêcher de remporter un procès ou des élections. Pour que le sort soit activé, il faut qu’une partie physique de la cible soit dans la poupée : ses cheveux, des morceaux de ses vêtements ou des papiers portant son écriture.
Ailleurs des bouteilles vidées sur la croix, des crânes d’animaux sacrifiés, des calebasses contenant des offrandes alimentaires, des cercueils miniatures pour transporter les sacrifices, des cartes à jouer découpées et des cadenas pour enfermer le sort. Magie et sorcellerie s’entremêlent sur chaque tombe du cimetière.
7. Les « Non-morts » du vaudou haïtien
Derrière le terme « zombi » se nichent de nombreux fantasmes, mais aussi des croyances vivaces et des craintes réelles.
En Haïti – territoire exclusif des zombis- ce vocable recouvre de nombreux sens, à la fois anthropologiques et sociologiques. Mot polysémique, il sert à nommer autant l’individu dé-socialisé que celui atteint de troubles psychiatriques, ou encore celui faisant l’objet d’une fausse reconnaissance pour combler un vide familial. On est donc très loin du zombi hollywoodien, condensé horrifiques des angoisses d’une mort contagieuse.
À l’origine, le zombi (nzambi) est, en Afrique, dans la zone frontalière entre la République du Congo, le Gabon et l’Angola, le mot qui désigne un esprit ou le fantôme d’un mort, souvent un enfant. Sa signification a évolué en traversant l’Atlantique avec les routes de l’esclavage, par le biais d’un syncrétisme religieux entre catholicisme et religions traditionnelles d’Afrique subsaharienne.
Le zombi, en Haïti, est devenu un être mystérieux, victime d’une malédiction, un «non-mort » sans que nous sachions toujours très bien s’il s’agit d’une fable anthropologique (élément du folklore) ou de la réalité physique d’un individu drogué ou empoisonné.
8. Le vaudou haïtien,
syncrétisme religieux transatlantique
Le vaudou haïtien est une religion à part entière mais aussi une culture, une façon de vivre et de donner sens au monde. Dans les sanctuaires (péristyles), autour d’un pilier central (potomitan), le vaudou organise tous les actes quotidiens et ses traditions se transmettent de génération en génération depuis les premiers esclaves débarqués de l’ïle de la Caraïbe au 16ème siècle : musiques et danses, savoirs traditionnels, histoires et légendes, peintures et sculptures, connaissance des plantes, art de traiter les maladies du corps et de l’âme.
Une multitude de divinités et d’esprits (les loas) constituent le panthéon vaudou, correspondant à l’ensemble des créations et forces de la nature, chacun ayant son équivalent sous la forme d’un saint du catholicisme romain. Ils entrent périodiquement en communication avec les adeptes en les « chevauchant » lors des rituels.
9. Les loas du vaudou haïtien
Le vaudou, c’est le mouvement, le culte de l’énergie, l’entretien de la force. C’est la prise de conscience et l’usage de tous les sens : vue, ouïe, toucher, goût, odorat. Tout est en tension, exacerbé, en éveil. Tout circule, communique, agit. Dans cette valse de la métaphysique, les vêtements cérémoniels jouent un rôle indéniable : effigies de coton, de flanelle ou de soie, ils sont les ambassadeurs des loas, leurs prolongements, leurs émissaires.
Combien de rituels, de cérémonies ont vécu ces costumes sacralisés ? Combien de chevauchements ? Ce ne sont pas de simples textiles usés ; il y a en eux, pour tout adepte, une part infime de la divinité.
Le panthéon vaudou est composé d’une multitude de divinités et d’esprits, appelés les loas, pouvant entrer en communication avec les humains en les « chevauchant » lors des cérémonies religieuses. Ils couvrent l’ensemble des forces et créations de la nature. Nombre d’entre eux ont un doublet sous la forme d’un saint du catholicisme romain.
9.1. Mami Wata
(ou la Sirène ou encore La Baleine)
Divinité des eaux, protectrice des esclaves ( qui traversaient l’océan pendant la traite), épouse d’Agwé, on la figure sous les traits d’une femme très belle accompagnée d’un immense serpent ou à queue de poisson… Elle aime qu’on lui offre des bijoux, des parfums et des produits cosmétiques.
Son équivalent catholique est : Notre Dame de l’Assomption
9.2. Papa Legba
Divinité des carrefours, des chemins, des clôtures, et messager entre les dieux et les hommes. C’est lui qui ouvre la route, et le premier qu’on aperçoit quand on arrive au pays des morts. On la représente souvent en vieillard fumant la pipe avec un chapeau de paille et une canne ( Ses équivalents catholiques sont Saint Pierre, Saint Lazare, et Saint Antoine), parfois comme un enfant ( doublet catholique : Saint Enfant Jésus d’Atocha)
9.3. Ogou
Dieu du fer, du feu et de la guerre, époux d’Erzulie, Ogou a trois formes :
- Ogou Feray (« feraille ») attaché au métal, avec comme symboles le sabre, le coq rouge, le rhum et le tabac ;
- Ogou Badagris, pour la fertilité, représenté avec un phallus ;
- Ogou Shango et Tonnerre, lié à la foudre et au tonnerre (saints catholiques correspondants : Saint Jean-Baptiste, Jacques le Majeur, George et Joseph)
9.4. Les Marassas
Fantômes d’enfants jumeaux morts symbolisant les forces élémentaires de l’univers et l’harmonie entre les êtres.
Symbolisés par une feuille de palmier, ils aiment les offrandes sucrées et les petits jouets (saints catholiques correspondants : Saint Côme et Damien)
9.5. Les Guédés
Esprits de la mort sous la conduite de Baron Samedi et de Maman Brigitte, les Guédés mélangent sans cesse les symboles du sexe et de la mort. Habillés de noir et de violet, ils mangent du piment cru et croquent du verre, font couler du rhum arrangé pimenté sur leurs parties intimes, et hurlent des obscénités.
9.5.1 Baron Samedi
« Concierge des défunts » et chef de la famille des Guédés, Baron Samedi conduit les morts vers l’au-delà. Ses aspects sont multiples :
– Baron Cimetière (gardien des nécropoles)
– Baron La Croix (consacré aux plaisirs du quotidien)
– Baron Kriminel (vengeur des mauvais sorts et des injustices).
Zéphirin Frantz, La danse de Baron Samedi
Très élégant, Baron Samedi porte une redingote noire, un haut-de-forme, une canne, des lunettes avec un verre cassé (signe de frontière entre la vie et la mort) et du coton dans les narines (comme on le fait pour les cadavres). Il envoie les maléfices par l’intermédiaire des abeilles (saints catholiques correspondants : San Elias del Monte y Carmelo, saint Martin de Porrès et saint François d’Assise).
9.5.2. Maman Brigitte (ou Grande Brigitte)
Loa de la mort, épouse de Baron Samedi, Maman Brigitte protège les cimetières et les sépultures sous la forme d’un amoncellement de pierres.
Son symbole est le poulet noir (sainte catholique correspondante : Santa Marta la Dominadora)
Zéphirin Frantz, Grande Brigitte
Barbara d’Antuono (née en 1961), Entre deux mondes. 2023 -2024
Toile de coton, couture, broderies, assemblages, Galerie de la femme à barbe (Montreuil)
Cette tapisserie synthétise l’ensemble des mythes, légendes et symboles entourant le zombi haïtien, celui des origines. Sa proximité avec Baron Samedi, et Grande Brigitte, ses funérailles factices, saprivation de liberté et ses mauvais sévices comparables à ceux infligés aux esclaves.
Chaque détail se rapporte à un des innombrables aspects de cette entité qu’on oblige bien malgré elle à « jouer avec la mort »
9.6. Erzulie
Déesse de l’amour et de la beauté, Erzulie se décline sous deux formes.
9.6.1. Erzulie Freda, épouse d’Ogou aux nombreux amants, est une femme métisse d’une grande beauté, parée de bijoux, portant comme symboles le cœur et le miroir. Les fidèles lui offrent objets de toilette, bijoux et flacons de parfum (équivalents catholiques : Mater Dolorosa, Notre-Dame du mont Carmel)
9.6.2. Erzulie Dantor, moins sensuelle et plus maternelle, protège les femmes et les enfants, avec son visage balafré, un bébé dans les bras. Son symbole est un cœur transpercé par un couteau (équivalent catholique : la Vierge noire de Czestochowa, probablement importée sur l’île lors de la révolution haïtienne de 1802 par des troupes polonaises.
10. Artistes Haitiens
10.1. Wilfrid Daleus ( 1949 -2017)
Dans le vaudou haïtien, le temple porte le nom de hounfor. Au sein de celui-ci, on trouve un espace sacré (péristyle) où se réunissent les initiés, centré par un mât couvert de symboles (potomitan) faisant communiquer mondes divin et humain. Au sol, les symboles tracés avec de la farine de maïs (vévès) servent à appeler les divinités (loas), à condition d’être activés par des libations d’alcool, des bougies et des paquets congo. Assis sur des chaises basse ou agenouillés, les initiés (dont la couleur des vêtements se rapportent à leur degré d’élévation spirituelle et au courant de tradition adopté) récitent les chants rituels.
Veillée vaudou dans un péristyle 1988,
Peinture sur toile, Musée du quai Branly – Jacques Chirac
10.2. Gabriel Bien-Aimé ( né en 1951)
Grande Brigitte et Baron Samedi 1988
Tôle de fer découpée et rivetée
Musée du quai Branly – Jacques Chirac
Maman Brigitte (ou grande Brigitte) est la divinité de la mort, l’épouse de Baron Samedi. Aussi bien habillée que son élégant époux, avec boucles d’oreille et éventail, elle protège les sépultures, à condition que la croix de Baron Samedi soit bien plantée à proximité. Les initiés identifient facilement les tombeaux sous sa protection par le petit monticule de pierres disposées à leur surface.
10.3. Myrlande Constant (née en 1968)
Bannière Bawon 2005
Musée du quai Branly – Jacques Chirac
Cette bannière de l’artiste haïtienne Myrlande Constant est un résumé des rituels se rapportant à Baron Samedi et Grande Brigitte. Au centre de la tenture, on reconnaît le loa des morts, vêtu de ses habits élégants, un verre de lunettes cassé, avec chapeau et redingote.
Autour de lui, des tombeaux et des croix indiquent qu’on se trouve dans un cimetière. Des initiés viennent visiter les défunts, et leurs vêtements sont comparables à ceux de Baron Samedi avec une chaussure manquante ou des lunettes cassées, comme s’ils avaient un pied dans la vie et l’autre dans la mort.
La grande croix noire, au centre de celle de Baron Samedi, élevée sur la plus ancienne sépulture du cimetière, noircie par la fumée et le sang des sacrifices. En haut, Grande Brigitte, élégamment vêtue, chevauchant une croix est accueillie par un dieu chrétien ( à la main blanche) entrouvrant la masse des nuages du paradis.
…
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