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Tom Wesselmann Pop Art Forever

By | 2025-01-11T14:19:05+01:00 10 janvier 2025|Art, Peinture, Sculpture|0 Comments

Thème du tiers inclus : le Pop Art

Antagonismes en interaction : Entre Art et Réalité quotidienne, entre intimité du sujet et monumentalité du format, entre environnement familier et puissance visuelle, entre objet réel du quotidien et rêve surdimensionné, entre peinture et sculpture. « la troisième dimension devient une partie vivante de la bi-dimensionnalité ».

 

Table des matières

 

  1. Icônes Pop des années 1950 et 1960
  2. L’art et la vie
  3. Sur la route
  4. Natures mortes ( Still Lifes)
  5. DADA et POP
  6. Intérieurs
  7. Great american nudes
  8. Nouvelles perspectives
  9. Drops outs & bedroom paintings
  10. Pop Forever
  11. Érotisme
  12. Marines
  13. L’atelier
  14. Mouths
  15. Standing Still Lifes
  16. Abstraction & Sunset Nudes
  17. Mickalene Thomas

 

 

TOM WESSELMANN

POP ART FOREVER*

 

Tom Wesselmann grandit dans la banlieue de Cincinnati aux États-Unis. Il débute sa carrière de peintre à la fin des années 1950 et devient rapidement une des figures majeures du pop Art. Son œuvre embrasse l’imaginaire américain, et l’iconographie de son époque, intègre la publicité et les objets du quotidien. Elle tisse un lien entre les origines dadaïstes du Pop Art et les années 1960.

A travers ce vaste corpus des œuvres de Wesselmann, les multiples facettes présentées soulignent l’influence durable de ce mouvement au passé, au présent et au futur, et permettent une compréhension actualisée du mouvement.

 

 

1. Icônes Pop des années 1950 et 1960

Après la deuxième Guerre Mondiale, en réaction à l’expressionnisme abstrait dominant, certains artistes sont associés au « Pop Art ». Le mouvement célèbre la société de consommation et donne à ses productions visuelles le statut de nouvelles icônes.

Bandes dessinées, publicité, films, célébrités, manchettes de journaux deviennent des sujets de peinture.

Martial Raysse y figure dans une exposition intitulée « New realists » en compagnie de Roy Lichtenstein, Andy Warhol et Tom Wesselmann. L’expression « Pop Art » sera rapidement préférée à celle de New realists car elle qualifie davantage l’esthétique publicitaire et cinématographique privilégiée par les américains.

 

Cette œuvre lumineuse de Martial Raysse relie les États-Unis à la France, il s’agit d’une forme en liberté.

Wessellman « still life » du Moma, une de ses grandes œuvres standing Still Life: tout ce que l’on connait de ce qui nous entoure est désormais à une échelle qui nous dépasse.

Le téléviseur en marche produit une image en mouvement, la radio, les sons, la lumière sont importants

Devant still Life #57, le spectateur a l’impression d’avoir rétréci. Une radio, une orange, un interrupteur et un bouquet dans l’encadrement d’une fenêtre. Dans les standing still life, chaque nature morte élément de la peinture debout est une toile isolée discrètement fixée au mur. L’ensemble est réuni par un tapis évoquant le dessus d’un meuble. Avec les standings still life, Wessellman s’ouvre à la troisième dimension mais considère toujours son travail comme celui d’un peintre « la troisième dimension devient une partie vivante de la bi-dimensionnalité ».

« La troisième dimension, bien qu’elle existe réellement, n’est qu’une illusion en matière de peinture. Elle reste intentionnellement dans un contexte pictural et non sculptural. Entre peinture et sculpture, entre intimité du sujet et monumentalité du format, entre environnement familier et puissance visuelle »

La bannière étoilée, conversation sur le rêve américain, symbole de l’unité des Etats-Unis, la réflexion qui l’entoure sur sa diversité de perception et l’isolement perçu par chacune de ses composantes. L’œuvre de Wesselmann, le Drapeau emblématique de Jasper Johns

 

Barclay Hendrickx montre le drapeau américain recouvert d’un tissu noir

 

 

David Hammons, African American Flag œuvre dédiée à la communauté afro américaine

 

 

Roy Lichtenstein: Thinking of him, 1963. Œuvre où les deux genres se rencontrent.  La bande dessinée ne faisait pas partie des sujets acceptables pour l’art. Lichtenstein est précisément inspiré par l’imagerie publicitaire et les comics. Il est connu pour ses « girls », héroïnes de bandes dessinées tantôt séductrices tantôt éplorées.

 

 

Evelyn Axel, Ice cream, 1964. Aux couleurs vives et audacieuses du Pop Art.

 

Rosalyn Drexler, Love and Violence, After Sex

 

 

 

Marjorie Strider, Welcome, 1963 La femme joue avec le regard masculin. Elle regarde directement le spectateur.

Dans Triptych II ( Beach girl) L’esthétique «  girly » nord-américaine est ici représentée par une poitrine proéminente et provocante qui subvertit le format classique du tableau selon le principe du « built out »

 

 

Roy Lichtenstein, Girl in Window,1964, Une jeune femme semble émerger d’un bâtiment. Etude réalisée pour le panneau commandé par l’architecte Philip Johnson pour le théaterama de la Foire internationale de New York

Wesselmann, Great American Nude #34, composition animée avec un petit oiseau mécanique muni d’un moteur à pile. Entre genre pictural classique et utilisation expérimentale de divers médias. Il reprend l’emblématique « imagerie américaine » et en propose l’analyse.

 

Andy Warhol, Shot Sage Blue Marilyn, 1964.  Il travaille à partir d’une photographie prise durant la promotion du film Niagara. L’artiste s’interroge sur l’articulation entre célébrité et société de consommation états-unienne. Warhol réalise cinq portraits de Marilyn à l’aide d’un nouveau procédé de sérigraphie sur un carré parfait en lin d’un mètre de côté. Chaque œuvre représente un fond de couleur différente qui donne son titre au tableau. (rouge, orange, bleu clair, turquoise, et bleu sauge. (bleu sauge) . L’automne de la même année, l’artiste Dorothy Patbeur voit les portraits de Marilyn à la Factory (l’atelier de Warhol) ; Elle lui demande si elle peut les shooter, ce qui en anglais signifie à la fois « prendre en photo » et « tirer à l’aide d’une arme à feu ». Warhol pensait qu’elle souhaitait simplement les prendre en photo. Ce verbe a donné son titre à la série des shot Marilyn. Seule la version bleu turquoise a été épargnée par les balles. (C’est aujourd’hui l’œuvre la plus chère jamais vendu aux enchères.)

 

2. L’art et la vie

En 1959, Robert Rausschenberg écrit : «Peindre se rapporte à la fois à l’art et à la vie. On ne parvient à faire ni l’un ni l’autre, j’essaye d’agir dans l’espace entre les deux ». Cette phrase exprime et résume le désir commun des artistes sous l’appellation « Pop » : créer entre l’art et la vie. Les sources de leur art se trouvent dans leur quotidien, leurs identités, les pages des magazines, les images d’un film, des biens de consommation, les lumières des enseignes. Tout comme la vie publique ou intime, les archétypes et les produits de la société capitaliste des années 1960 sont au centre de leurs créations.

Yayoi Kusama est une artiste japonaise née ne 1929. À l’âge de 28 ans, elle s’installe aux États-Unis et intègre la scène artistique New Yorkaise. À travers divers supports, comme la peinture, la sculpture, les installations ou même les performances, elle développe les thèmes de l’infini, de la répétition, du féminisme et de la sexualité. Dans les années 50, Yayoi Kusama crée ses « infinity nets », ou réseaux infinis, surfaces entièrement recouvertes de pois. Travail obsessionnel, lié à son état psychologique et aux hallucinations dont elle souffre depuis l’enfance. Pour affronter son anxiété, elle se lance dans le processus qu’elle nomme « Self Oblitération », ou auto-effacement, abandon physique et mental lui permettant de s’ouvrir à une communication avec le monde extérieur. Dans un décor de meubles, d’objets, de fruits et de plantes, six mannequins coiffés de perruques discutent. L’œuvre oscille entre l’hyper-présence des mannequins et leur disparition derrière une nuée de pois. « Ne faites qu’un avec l’éternité, effacez votre personnalité, intégrez-vous à l’environnement, oubliez-vous vous-même, l’autodestruction est la seule issue… »

 

John Wayne de Marisol, 1963. Née à Paris de parents vénézuéliens, Marisol arrive aux Etats-Unis au début des années 40., sculpture d’un cheval portant l’acteur John Wayne, acteur légendaire du Far West. Archétype du cow-boy conquérant, l’acteur y est portraituré par le biais de photographies et de collages. Image machiste où les trois mains de l’acteur sont celles, moulées, de l’artiste. Elles portent deux pistolets, mais le justicier ne chevauche qu’un destrier de bois enfantin.

 

3. Sur la route

Ladscape#4, Wessselmann Couple conduisant dans un vaste paysage bleu.

Sylvie Fleury , Skin Crime 3, Givenchy 318 . La voiture iconique compressée (Fiat 128) n’est pas recouverte de peinture mais de vernis à ongles cosmétique ( Givenchy 318)

 

 

 

Elle y place le rôle des femmes dans une société dominée par les hommes …

 

 

Wesselmann et les artistes Pop explorent les clichés, les promesses et l’imagerie de l’Amérique des années 1960. La mythologie de l’automobile et de la route en fait partie. Wesselmann cherche selon ses propres mots à capturer une « réalité officielle ».

 

 

Pour cela, il récupère des affiches dans les poubelles du métro new-yorkais dans l’objectif de reproduire des bouts de vie, évoquant aussi ses propres voyages sur les autoroutes à la recherche d’affiches aux images parfaites. Intégrant à ses œuvres des objets quotidiens comme autant de fragments du réel, il développe l’idée d’une « diversité des réalités » et utilise des drapeaux et des portraits de présidents comme symboles de la culture des États-Unis. Tout comme le Flag de Jasper Johns ou la représentation monumentale par James Rosenquist, dans President Elect, d’un John F.Kennedy souriant, juxtaposé à une voiture, ses œuvres renvoient au « rêve américain » . Il associe le visage du candidat (ici en couleur alors qu’il était en noir et blanc) à des promesses de campagne parodiées : une moitié de Chevrolet et une part de gâteau rassis (ici en grisaille alors qu’il était en couleur). Inversion des couleurs et valeurs des deux images.

Light Switches – Hard Version, 1964, Claes Oldenburg sculpte les objets du quotidien. Cet interrupteur géant est l’agrandissement fidèle d’une commande électrique de son propre bungalow. Il est départi de toute trace d’intervention manuelle et miss au format d’un tableau sans aucune utilité fonctionnelle.

4. Natures mortes ( Still Lifes)

Still Life #35 Wessselmann

A partir de 1962, Wesselmann approfondit sa pratique du collage en démarchant des compagnies publicitaires pour récupérer des affiches. Il débute sa série des Still Lifes, des natures mortes intégrant des objets du quotidien, des publicités et des appareils électriques.

Si le genre de la nature morte est traditionnellement de format modeste, il en délivre une version monumentale et agressive en combinant des éléments disparates.

Still life#56 : téléphone et interrupteur sous la forme d’une structure en 3D

L’immense pomme rouge de Still Life #29 provient de l’un des tout premiers panneaux publicitaires fourni par un fabricant. C’est un exemple significatif de la manière dont l’affiche, sa taille, son impact ajoutent une audace visuelle, un effet habituellement crucial pour attirer le regard du consommateur.

Wesselmann remet en question la perception de ce qui est bi et tri dimensionnel, de ce qu’est l’art pictural

 

Still life#51, 1964. Wessselmann Il fait reproduire des objets à partir de moulages pour les intégrer à ses toiles. Ici une orange surdimensionnée reposant à côté d’une canette de bière sur une étagère géante. Les natures mortes sont généralement à l’échelle de la vie réelle. C’est comme si l’on voyait la réalité en version peinte. Lorsque l’on peint en grand, on se débarrasse de toute cette prétention. La taille de l’œuvre la transforme en une existence totalement différente. Classiquement la présence de fruits même pourris, et de vanités (crânes) suggéraient la notion de mortalité humaine. Wessselmann s’affranchit ici de toute référence aux vanités dans des couleurs franches et des formes marquées, il reproduit de manière emphatique l’esthétique de la société de consommation, son caractère répétitif et excessivement séduisant. Le spectateur semble écrasé par ce « rêve états-unien » face à des objets à la fois étranges et familiers.

 

Avec ses objets surdimensionnés aux couleurs intenses, Wesselmann synthétise ici l’esthétique POP. Chaque élément de la composition se détache, méticuleusement délimité. L’artiste agrandit les objets quotidiens comme la pomme tirée d’un panneau publicitaire à la surface brillante, le collage de paysage derrière une Volkswagen, une salière surdimensionnée accentuant cette impression immersive offrant une perspective nouvelle.

 

 

 

5. DADA et POP

Objets du quotidien transformés en œuvres d’art.

Portrait Collage #1, 1959

Portrait Collage #1, Tom Wessellmann, 1959

POP est l’abréviation du mot « Populaire ». Il désigne ce qui provient du peuple, des classes sociales moyennes ou pauvres et de la rue. Les premiers artistes à intégrer ces objets dans l’art furent les cubistes. (coupures de journaux, utilisation d’images préexistantes)  Le courant DADA amplifie cette tendance dans le but de s’affranchir de la tradition. Le POP art prend racine à partir de cet héritage cubiste et dada.

Les œuvres de Marcel Duchamp et de ses contemporains dadaïstes sont aux racines du Pop Art.

Dada, qui émergea comme un mouvement « anti-art » à Zurich à la toute fin de la première guerre mondiale se propagea rapidement à Berlin, Hanovre, Cologne, Paris et New York. Les artistes de ce mouvement utilisaient fréquemment la technique du collage. Leur influence se fit d’abord directement sentir sur le surréalisme, après-guerre elle prit une nouvelle vigueur avec le Pop.

L’introduction par Duchamp du ready-made, dont Fontaine (1917) est  l’exemple le plus connu, a bouleversé l’histoire de l’art en défiant toutes les conventions : un objet manufacturé, anonyme, est transformé en œuvre d’art. Avec ses premiers collages réalisés à partir d’objets trouvés dans la rue, d’objets banals et de panneaux publicitaires, et par l’intégration directe de fragments du réel, Wesselmann témoigne de la persistance de l’héritage dadaïste.

                                                        Fontaine, Marcel Duchamp, 1917/1964

En 1916, à New York, Marcel Duchamp est l’un des fondateurs de la « Society of Independant Artists », dont le but est l’organisation d’un Salon « sans jury et sans prix ». Las, l’envoi d’un urinoir baptisé Fontaine, daté de 1917 et signé R. Mutt, est refusé. Duchamp démissionne sans préciser qu’il en est l’auteur. À la fermeture du salon, l’affaire est récapitulée dans The blind Man, revue orchestrée par Duchamp, Henri Pierre Roché et Béatrice Wood. L’urinoir y est photographié par Alfred Stieglitz sous un éclairage sophistiqué qui lui vaudra le surnom de Madone de la salle de bains. Les seules œuvres d’art que l’Amérique ait données sont ses tuyauteries et ses ponts » écrit Wood. Le goût de Wesselmann pour les salles de bains lui donnera raison. Fontaine n’est pas le premier readymade de Duchamp (Roue de bicyclette, 1913 – objet existant transformé en œuvre) mais il est le plus connu.

6. Intérieurs

Great American Nudes #48 : une table, des fleurs, une fenêtre, une télévision en marche, lumière, ventilateur, une horloge, la sonnerie d’un téléphone…

Still Life #22, Wessselmann

Dans les années 1960 et 1970, Wesselmann réalise plusieurs intériors et Shelf Still Lifes. Ce sont des fragments d’intérieurs (des étagères ou un mur entier) qui incorporent des téléviseurs ou des radios.

 

Au sein d’une même œuvre, différentes « réalités » (le son d’une radio, l’image d’un film, d’une actualité) se percutent. Cette période se distingue aussi par la recherche d’une extension de l’espace de la peinture. Elle est caractérisée par les couleurs vives et l’effet dynamique d’éléments qui viennent à la rencontre du spectateur estompant encore davantage les frontières de l’œuvre.

 

 

Still Life #38, Wessselmann. Une œuvre plus petite mais des objets réels qui fonctionnent, cette peinture émet du son et donne l’heure…

 

Still Life #30 ; Stéréotype d’un intérieur Etats-Unien de la classes moyenne. Sur le mur, une copie d’une toile de Picasso intitulée « Femme assise » datant de 1927. Les beaux-arts sont ainsi représentés aux côtés de la culture POP et des publicités à une époque où toute image est devenue reproductible à l’infini. À côté une fenêtre ornée de fausses fleurs, un réfrigérateur, des éléments issus de la société de consommation…

 

Wessselmann commence ses portraits collages en s’inspirant du Portrait d’un jeune homme de Hans Memling ( 1472-1474). Ce tableau incorpore des objets trouvés (une feuille séchée venue d’un restaurant hawaïen, de petits morceaux de papier peint et un paquet de cigarettes Faros. Ces compositions conjuguent simplicité brute et profondeur, contiennent thèmes figuratifs, scènes intérieur et paysages que le peintre affinera ensuite. Il commencera ensuite à peindre des nus, généralement d’après modèles le plus souvent Claire Selley ou Judy Teichberg.

Interior #2 illustre la fascination de Wesselmann pour l’intégration d’éléments mécaniques et réels dans un espace resserré. L’assemblage transmet une impression de réalité et de rationalité. Au centre un ventilateur suggère le danger. Les interiors de Wessselmann harmonisent des objets produits en série. Chaque élément s’affirme comme prédominant tout en se fondant dans l’assemblage.

Still life #39

Drawing for Bathtub Collage #2, 1963

Wesselmann se lance dans la série des Bathtub Collages, des compositions grandeur nature combinant éléments sculpturaux et accessoiress dénichés ci et là. Cette femme dans une baignoire à côté d’une cuvette de WC, fait écho au célèbre ready made de Marcel Duchamp (Fontaine)

 

 

7. Great american nudes

Great american nudes #25, 1963

Wesselmann s’interroge sur la manière de peindre les nus : faut-il les rendre plus abstraits ou plus réalistes ? Il expérimente différents niveaux de figuration. Ici le nu est plus difficilement reconnaissable, la chair se transforme en une forme rose, presque dénuée de détails caractéristiques

 

 

Great american nudes #44, 1963

Mélange d’éléments matériels et picturaux : un téléphone (qui sonne), un radiateur, un manteau suspendu à la porte, une reproduction encadrée d’Auguste Renoir, et la peinture d’une femme nue posant avec assurance. Cette représentation de la vie quotidienne, la vibration des couleurs et les éléments sonores créent un environnement qui invite le spectateur à faire partie de l’œuvre.

 

 

Great american nudes

Admirateur des nus occidentaux, il souhaite américaniser le nu (en s’inspirant du Great American dream ou du Great American level). Vision ironique de la société états-unienne des années 60 dont le rêve est devenu la possession de biens de consommation.

 

 

 

Les femmes sont présentées dans une attitude d’abandon sexuel, les tétons sont durcis par l’excitation, les jambes écartées comme une invitation et le seul élément visible du visage est une bouche. Wessselmann est fasciné par l’érotisme et l’hypersexualisation de la société états-unienne des années 60

 

 

 

En 1961, Wesselmann connaît le succès avec sa série des Great American Nudes. S’inspirant des références culturelles du « rêve américain » et du « grand roman américain », il intègre dans ses toiles des symboles patriotiques. Il a aussi recours à des pages de magazine, affiches, panneaux publicitaires. Fusionnant collage, peinture et dessin, il explore dans cette série une variété de représentations anatomiques, réalistes ou stylisées, aux frontières de l’abstraction.

 

La simplification des formes opérée par Wesselmann rappelle, celle, antérieure, d’Henri Matisse. L’anonymat des modèles, voire leur absence de visage, a souvent été questionné. Pourtant, Wesselmann n’a pas tant cherché à objectiver qu’à magnifier ses sujets. Il se conforme au canon artistique tout en le défiant. Replacée dans le contexte de la révolution sexuelle des années 1960, sa représentation du plaisir féminin rompt avec la passivité traditionnellement associée au « nu »

 

8. Nouvelles perspectives

L’attention de Wesselmann aux genres classiques de la peinture et l’élargissement de ses frontières traditionnelles continuent d’influencer des artistes de générations et d’origines géographiques différentes. Aux côtés de son œuvre, des artistes contemporains entrant en résonance avec l’esprit Pop qu’il a contribué à définir.

 

Big Brown Nude, 1971, Wessselmann

Great American Nude #49, Wessselmann

 

30 Do Ho Suh, Bathroom, 348 West 22nd St

L’artiste reconstitue la Salle de bains de son appartement new-yorkais dans les moindres détails. L’idée est que la maison peut être transportée et répétée à l’infini

 

Njideka Akunyili Crosby peint à partir de ses archives personnelles, de magazines nigérians et d’autres médias de masse pour explorer les identités diasporiques africaines. Les sculptures textiles de Do Ho Suh reconstituent des maisons et des intérieurs précédemment habités, interrogeant les dimensions physiques, psychologiques et métaphoriques de tels espaces.

Créés pour l’exposition, les super nus de Derrick Adams peuvent être vus comme des contre-images des Great American Nude de Wesselmann. Less figures présentées incarnent la sexualité noire drapée dans le drapeau afro-américain, comme une cape de patriotisme conflictuel, rappelant l’œuvre de David Hammons de 1990, double conscience des afro-américains.

 

9.  Drops outs & bedroom paintings

Self Portrait while drawing, 1983, Wesselmann

A la fin des années 1960, les compositions de Wesselmann deviennent toujours plus audacieuses. Elles se concentrent sur des détails isolés, des fragments de corps empreints de sensualité. Pour plusieurs de ses Bedroom Paintings -peintures de chambre à coucher- il utilise des toiles mises en forme (shaped canvases) dont les bords suivent ceux des sujets et des objets. Le dessin même de la toile est une forme. Plus tard, il utilisera l’image d’un corps de femme, laissé en négatif, pour définir le contour de sa toile, un procédé qu’il nomme « drop outs » ou « contre formes ».

Les bords du tableau ne sont plus ceux de la toile traditionnelle rectangulaire, les formes sont inédites, le corps féminin devient le bord du tableau. « C’est la forme que l’on voit lorsqu’on est allongé à côté d’une femme sur la plage. On peut voir une forme ouverte créée par sa poitrine, sa cage thoracique, son ventre d’un côté, par son bras descendant d’un autre côté, et par sa cuisse en bas. »

 

Seascape#24, Wesselmann ,1967

Représente une partie du corps féminin devant un paysage du bord de mer

Dans #24, la seule partie visible est le mamelon, ce qui permet de créer un contraste de couleur avec la masse bleu du ciel. Il commence à intégrer le mur à l’œuvre. Ici, il omet le sein central tout en conservant son aréole et son mamelon, mettant ainsi en relief l’espace négatif, celui du corps qui borde la peinture et le cadre. Le paysage est perçu à travers la fenêtre laissée par le bras, la jambe, l’abdomen et la poitrine du modèle.

 

Seascape#22, Wesselmann ,1967

Combinant des détails des Great American Nudes et des Still lifes, ces œuvres sont d’une grande complexité. Dans Bedroom Painting # 4, la modèle Paula Lee regarde frontalement le spectateur. Bedroom Painting # 43, 1968, Wesselmann

L’échelle de la peinture, tout comme son réalisme qui dissipe l’anonymat du sujet, inverse les regards, redéfinissant récits et rôles dans le contexte intime d’une chambre à coucher.

 

 

 

Bedroom Painting #15, 1968-1970, Wesselmann

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bedroom Paintings

 

10. Pop Forever

Sans manifeste, le Pop désigne une sensibilité plus qu’un mouvement circonscrit. Ses évolutions sont aussi multiples que ses racines. Cette exposition célèbre la persistance du Pop.

 

 

Jeff Koons maintient l’esprit Pop Art des années 1960 avec des objets triviaux élevés au rang d’icônes, tel Balloon Dog (Yellow).  Objet démesuré et d’une perfection maniaque, aux couleurs variables (bleu, magenta, orange, rouge et ici jaune), aux surfaces brillantes et réfléchissantes, qui malgré leur poids (près d’une tonne) donnent l’illusion de légèreté inhérente au souffle censé les habiter.

 

Three Ball 50/50 Tank Malgré son apparente simplicité, cette œuvre a été permise par l’intervention du prix Nobel de physique, Richard Simon pour trouver le moyen technique de maintenir les ballons à 50% d’immersion sans subir les effets de la poussée d’Archimède. La solution fut de remplir les ballons d’eau et l’aquarium d’un mélange d’eau et de sel. Koons en fait ici le symbole d’un rêve illusoire difficile voire impossible à atteindre, à travers l’exemple du Basket. Quête de gloire incarné par les super stars de la NBA, questionnant l’accessibilité du rêve américain.

 

Orange Box, 2023 Kaws

Initialement formé au dessin d’animation, il conserve un imaginaire «cartoonesque », il crée ses têtes de mort aux yeux en forme de croix qui donnent naissance à Companion, son célèbre personnage qui se baigne ici dans un bol de céréales Reesee’s.

 

Ai Weiwei artiste dissident chinois fasciné par le travail de Duchamp et Warhol. Formule un Pop mondialisé et critique. Sculpteur, réalisateur, performeur, photographe, il crée des œuvres en prise avec la censure, la corruption, la consommation et l’autoritarisme.

A son retour en Chine, il est marqué par la modernisation accélérée faisant peu de cas du patrimoine culturel. Iconoclaste, cette œuvre découle directement de cette expérience. Il transforme dans la série Han Dynasty Urn  with Coca-Cola logo des urnes de la dynastie Han, précieux objets archéologiques de l’identité chinoise en symboles de la culture consumériste par l’ajout d’un logo Coca-Cola.

Il défigure le vestige archéologique, suggérant une agression de la culture traditionnelle par la globalisation mais le traitement patiné du logo, à rebours de l’aspect flambant neuf du Pop Art, s’accorde avec l’authenticité des récipients, donnant à ces vestiges archéologiques une dimension incertaine, tant du point de vue culturel que temporel.

 

 

Sur le papier peint Golden Age Wallpaper, derrière le clinquant des peintures rococo, se répètent différents motifs, caméras de surveillance, menottes, oiseaux …, objets évoquant l’idée de contrôle, et questionnant la liberté d’expression en Chine, ce qui le mena à 81 jours d’emprisonnement et à une surveillance constante de son atelier à Pékin.

 

Approchant la forme des peintures de Wesselmann, Tomokazu Matsuyama utilise les outils numériques pour produire des peintures dont l’éclectisme des sources révèle les facettes de multiples identités actuelles. Quant à Kaws, il multiplie de manière virale ses personnages sur des supports variés, allant jusqu’à des irruptions dans l’espace par le biais de la réalité augmentée, prolongeant ainsi l’idée de « diversité des réalités » introduite par Wessselmann.

11. Érotisme

 

 

 

 

La nudité est présente dans le travail de Wesselmann dès les premières années de sa production. Une œuvre comme Great American Nudes #47 (scène d’onanisme, nu féminin désirant et non passif) est révélatrice de son exploration de thèmes sexuellement chargés, reflet de la libération sexuelle des années 1960.  Ses nus sont empreints de joie. Les poses prises par son épouse Claire expriment le plaisir. La représentation de la sexualité par l’artiste est celle d’un désir réciproque et d’une émotion partagée.

 

Great American Nudes #82 reflète l’attitude progressiste des années 60 à l’égard de la liberté sexuelle.

Great American Nudes #11

 

Great American Nudes #96

 

Nude Drawing with Still Life, 1967-1969

 

 

 

 

 

12. Marines

Wesselmann commence en 1965 ses « foot paintings » à partir d’éléments réalisés pour les Great American Nudes. Substitué à une figure entière, le pied comme sujet central d’un tableau l’intéressait par sa beauté et son fort potentiel. La première série consacrée à ce sujet est celle des Seascapes, situées en extérieur, elles sont contemporaines des premières vacances de l’artiste. Dans la suite des natures mortes, les Seascapes étaient exécutées avec la même clarté.

 

Little Seascape #1, 1965 Wesselmann

 

 

Little Seascape #2, 1965 Wesselmann

 

Little Seascape #3, 1965 Wesselmann

 

 

 

13. L’atelier

L’approche méthodique et minutieuse de Wesselmann peut être assimilée à une expérimentation scientifique. Chaque peinture ou assemblage est précédée de plusieurs esquisses ou photographies. Ces premiers rendus le guident vers des compositions réalisées à grande échelle. Sa pratique d’atelier se caractérise par son systématisme et sa précision. En témoigne la notation, au dos des œuvres des couleurs utilisées et des détails techniques, et en amont les nombreux relevés, esquisses, photographies réunis.

 

14. Mouths

En 1965, Wesselmann commence à composer les peintures de bouches, Mouths.  L’artiste travaille désormais à l’huile pour un rendu plus complexe de détails immensément agrandis. Le procédé du Shaped canvas se perfectionne encore. En 1967 la vision de son amie et modèle Peggy Sarno allumant une cigarette déclenche la série des smokers, aux volutes souvent impressionnantes. Se confronter à Smoker#8, dont la source est une photographie de Danièle Thompson en train de fumer, reste un défi pour le spectateur.

Mouth # 14, Wessselmann, 1967.  Bouche avec les cheveux blonds de Marilyn. Les contours de la toile épousent ceux des lèvres, la forme du motif détermine la forme du tableau. « J’ai choisi de faire une énorme bouche découpée afin d’isoler et de rendre plus intense la partie du corps qui a à la fois un haut degré de connotation à la fois sexuelle et expressive.

Mouth #2, bouche parfaite

Smoker#8 Wesselmann

 

 

 

 

15. Standing Still Lifes

 

À la fin des années 1960, Wesselmann crée de petites peintures à l’huile qu’il agrandit grâce à un rétroprojecteur.

Suivront, dans les années 1970, les Standing Still Lifes, des œuvres gigantesques composées de plusieurs toiles reproduisant à grande échelle des petits objets familiers. Le résultat monumental induit une sensation de dérèglement du réel : des objets aisément reconnaissables acquièrent une dimension d’étrangeté – le syndrome d’Alice au pays des merveilles. Face à elles le spectateur est comme rapetissé. Cette distorsion perceptive est encore accentuée par le fait que ces objets conservent leur dimension picturale, cantonnés à un traitement en deux dimensions plutôt que de se transformer pleinement en sculptures.

Still life # 61, 1976. Les objets du quotidien atteignent des dimensions exceptionnelles jusqu’à atteindre la dimension des panneaux d’affichage. Ici le contenu d’un sac à main est déversé au sol, aperçu passager sous la forme d’un trompe-l’œil contemporain, réinterprétant la perspective et la hiérarchie des plans.

 

Il représente de petits objets personnels à une immense échelle sur des toiles séparées. UN rouge à lèvre colossal, une bague démesurée, du vernis à ongles, un collier de perles corail, une paire de lunettes de sept mètres de long miniaturise le spectateur, créant un sentiment de déréalisation. Le corps du spectateur n’est plus qu’un élément de l’environnement, l’appréhension des objets dépasse le visuel, dans une impossible réalité

 

 

Still Life # 60, 1973 Wesselmann

Still Life # 61, 1973 Wesselmann

Still Life with Blue Jar an SSmoking Cigarette, 1981

16. Abstraction & Sunset Nudes

Driver, 2001, Tom Wessselmann                                                                                              Black Strike, 2002

Dans les années 1980, s’éloignant des Standing Still Lifes, Wesselmann commence à dessiner dans le métal. Il utilise différentes techniques : les pièces en aluminium sont réalisées à la main, celles en acier sont façonnées au laser. Pionnier dans l’usage des nouvelles technologies, il oblige les fabricants à s’adapter.

 

Au fil du temps, ses œuvres en métal, initialement figuratives, évoluent vers une abstraction qualifiable d’expressionniste. Les découpes assemblées et colorées en surface sont proches des coups de pinceau rapides.

Dinner at the Museum of Modern Art, 2000

Dans les dernières années de son œuvre, ces compositions, où la frontière entre abstraction et figuration est mince, s’approchent de la sculpture. Elles sont réalisées parallèlement à de grandes toiles empreintes de nostalgie.

The Lake, 1994 Tom Wessselmann

Sunset Nude with Wesselmann reprend ainsi un détail d’un de ses premiers collages. Ces nus témoignent aussi d’un retour au classicisme nourri par l’influence d’Henri Matisse.

Sunset Nude with Matisse apples on pink table? (Hommage au tableau de Matisse : nature morte aux pommes sur une nappe rose peinte en 1924.

 

Still Life #28, 1963. Wessellmann place un téléviseur dans plusieurs toiles. Le tube cathodique se dévoile dans un intérieur typique, entre éléments peints et collages. L’étoile rouge sur fond blanc associée aux rayures bleues, évoque de manière inversée le drapeau américain. Un portrait du président Lincoln est accroché près d’une fenêtre ouvrant sur la maison blanche, une table encombrée de nourriture, associent consommation et patriotisme. Une image télévisée attire le regard, prenant une part équivalente aux autres éléments de la composition : éléments historiques, nourriture, plantes et poires, chat endormi, idéal de vie et de consommation.

 

 

17.  Mickalene Thomas

Mickalene Thomas cherche à déconstruire les définitions de la beauté, de la race et du genre. Elle s’attaque de manière critique aux stéréotypes racistes, singulièrement ceux qui touchent les femmes noires. » après des années de réflexion sur le travail de Tom Wesselmann, plus je trouve des thèmes communs à ma pratique, plus je vois sa pertinence pour le monde de l’art contemporain. Mickalene Thomas utilise de très nombreux strass

Tan n’terrific, 2024 Mickalene Thomas

Une des racines de l’œuvre de Mickalene Thomas est l’étude du portrait classique, l’histoire des regards qui s’y trame. Par le recours à des sources photographiques, l’usage hybride de la peinture et de la reproduction mécanique, une fragmentation de l’image et des matériaux inattendus (strass et paillettes), elle brise les conventions attachées à ce genre. Ingres, Courbet, Matisse sont autant de figures d’influence que Mickalene Thomas défie. Elle mène depuis plusieurs années une discussion visuelle avec Wesselmann.

 

Mickalene Thomas :

« Son utilisation d’aplats de couleurs vives et de formes graphiques pour représenter la figure féminine a influencé mon approche du portrait et de la figure humaine. La manière dont Wesselmann a repoussé les limites et bousculé les normes sociales est une source d’inspiration, et je m’efforce de faire de même dans mon travail. Globalement, je peux dire que son style novateur et son approche insolente dans son exploration de la sexualité et du désir ont eu un impact profond sur ma vision et sur ma pratique artistique »

                                                    …

 

* Extraits de la brochure de l’exposition  » Pop Forever, Tom Wesselmann & …  » , Fondation Louis Vuitton .

Octobre 2024 – Février 2025

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