//Marquis de Sade

Marquis de Sade

By | 2018-01-16T18:10:03+01:00 1 décembre 2017|Littérature|0 Comments

Thème du tiers inclus: Sade présente son affinité des extrêmes dès les premières pages de « Justine ou les malheurs de la vertu » : Mal d’un côté, vertu de l’autre et montre à sa manière l’impossible absolutisation de celles-ci dans Justine ou les malheurs de la vertu.

« Si plein de respect pour nos conventions sociales, et ne s’écartant jamais des digues qu’elles nous imposent, il arrive, malgré cela, que nous n’ayons rencontré que des ronces, quand les méchants ne cueillaient que des roses, des gens privés d’un fond de vertus assez constaté pour se mettre au-dessus de ces remarques ne calculeront-ils pas alors qu’il vaut mieux s’abandonner au torrent que d’y résister ?

Ne diront-ils pas que la vertu, quelque belle qu’elle soit, devient pourtant le plus mauvais parti qu’on puisse prendre, quand elle se trouve trop faible pour lutter contre le vice, et que dans un siècle entièrement corrompu, le plus sûr est de faire comme les autres ? Un peu plus instruits, si l’on veut, et abusant des lumières qu’ils ont acquises, ne diront-ils pas avec l’ange Jesrad, de Zadig, qu’il n’y a aucun mal dont il ne naisse un bien, et qu’ils peuvent, d’après cela, se livrer au mal, puisqu’il n’est dans le fait qu’une des façons de produire le bien ? N’ajouteront-ils pas qu’il est indifférent au plan général, que tel ou tel soit bon ou méchant de préférence ; que si le malheur persécute la vertu et que la prospérité accompagne le crime, les choses égales aux vues de la nature, il vaut infiniment mieux prendre parti parmi les méchants qui prospèrent, que parmi les vertueux qui échouent ?

Il est donc important de prévenir ces sophismes dangereux d’une fausse philosophie ; essentiel de faire voir que les exemples de vertu malheureuse, présentés à une âme corrompue, dans laquelle il reste pourtant quelques bons principes, peuvent ramener cette âme au bien tout aussi sûrement que si on lui eût montré dans cette route de la vertu les palmes les plus brillantes et les plus flatteuses récompenses [1]. »

Dans ce qui suit, Sade convoque la notion de dynamique du devenir dans le tiers inclus. Il se réfère à la nature, et revendique la nécessité trajective (selon la dénomination Berquienne) de la considération égalitaire du bien et du mal sur la terre, de l’action réaction, équilibre essentiel sans lequel tout serait détruit. Il se situe dans ce passage dans la droite ligne Lupascienne d’impossible absolutisation du tiers, ne pouvant jamais être considéré comme polarité actualisée, mais contenant en lui même la dynamique du devenir.

… Parce que tu crains d’en devenir l’objet : voilà l’égoïsme ; changeons de rôle et ru la concevras ; interroge l’agneau, il n’entendra pas non plus que le loup puisse le dévorer ; demande au loup à quoi sert l’agneau, il n’entendra pas non plus que le loup puisse le dévorer ; demande au loup à quoi sert l’agneau : «  A me nourrir », répondra-t-il. Des loups qui mangent des agneaux, des agneaux dévorés par les loups, le fort qui sacrifie le faible, le faible la victime du fort, voilà la nature, voilà ses vues, voilà ses plans ; une action et une réaction perpétuelle, une foule de vices et de vertus, un parfait équilibre, en un mot, résultant de l’égalité du bien et du mal sur la terre ; équilibre essentiel au maintien des astres, à la végétation, et sans lequel tout serait à l’instant détruit  [2]»

Enfin, dans le extrait suivant, il absolutise la disparition de la vertu, mais éprouve alors la nécessité d’opposer le vice ne pouvant plus s’opposer à une polarité inverse en créant une graduation de celui-ci, comme si l’ « antagonisme à » était indispensable à l’existence. Le « moindre » vice remplace alors la vertu initiale et s’oppose au vice majoré, créant ainsi un nouveau tiers inclus déplacé dans l’échelle de l’empirement.

« Le vice n’et dangereux qu’à la vertu qui, faible et timide, n’ose jamais rien entreprendre ; mais quand elle n’existe plus sur la terre, quand son fastidieux règne est fini, le vice alors, n’outrageant plus que le vicieux, fera éclore d’autres vices, mais n’altérera plus de vertus [3]. »

[1] Sade, Justine ou les malheurs de la vertu, Ed 10-18, P13-14.

[2] Sade, Justine ou les malheurs de la vertu, Ed 10-18, P 176.

[3] Sade, Justine ou les malheurs de la vertu, Ed 10-18, P 267.

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