///Jean Marie Lehn : Auto-organisation

Jean Marie Lehn : Auto-organisation

By | 2021-04-23T22:08:05+02:00 27 janvier 2018|Chimie, Sciences "fondamentales"|1 Comment

Thème du tiers inclus: À composition identique, c’est la relation, la disposition intramoléculaire qui définit la propriété.  Les propriétés résultent non pas de la seule composition mais aussi et surtout de la disposition et des relations qui existent entre les atomes et les molécules. Même si la présence des constituants atomiques est fondamentale, la propriété émane du tiers inclus, quantum d’antagonisme variant aux dépens de l’actualisation ~ potentialisation  de l’un ou l’autre des constituants. La propriété n’est pas réductible aux molécules isolées, mais en est déductible. Elle est co-suscitée par les éléments en présence.

Trois valeurs entrent en jeu: Les éléments constituants et leur relation.

1.1       L’auto organisation

 

Jean -Marie Lehn, prix Nobel de chimie, fondateur de la chimie supra-moléculaire évoque ce qu’il considère comme le phénomène le plus important de la matière :

«  L’auto-organisation », processus par lequel un ordre matériel, vivant ou pensant, émerge d’un désordre d’éléments irréductibles.

 

1.2       Le tableau de Mendeleïev

Le tableau de Mendeleïev fut l’une des plus grandes découvertes de la science et de l’humanité elle-même. Au cours du temps, les chimistes comprirent que la matière était composée d’éléments irréductibles, qu’ils parvinrent à isoler, sorte de bestiaire chaotique d’éléments plus ou moins combinables, que Mendeleïev eut le génie de mettre en ordre par l’idée d’une relation entre les éléments et leurs propriétés, ordonnant ainsi cet apparent désordre et les classant en un tableau. Mendeleïev édifia ce fameux tableau périodique, constitué de lignes et de colonnes, les éléments disposés sur une même colonne ayant des propriétés apparentées. Le tableau contenait des cases vides que Mendeleïev se proposa de remplir par la suite. L’histoire lui donna raison, car aujourd’hui, tous les éléments manquants ont été trouvés. On possède donc désormais un tableau complet où se trouvent classés tous ces éléments, les atomes constituant ce que l’on appelle la matière visible de l’univers (en cosmologie, on estime actuellement qu’il y a 5% de matière visible et 95 % de matière non visible dans l’univers).

 

Tableau de Mendeleïev     

En principe, ce tableau est plein et ne contient aucun vide. Autrement dit, il contient la totalité des briques de l’univers. C’est la raison pour laquelle, Jean-Marie Lehn en parle comme d’une pierre de Rosette de la chimie.

Comment, à partir de ce tableau qui ordonne notre connaissance de la matière, peut-on comprendre ce qui est plus complexe ? Comment peut-on comprendre les entités les plus complexes, jusqu’aux organismes vivants ? A partir des ces briques, arrangées de manières extrêmement diverses et variées, on peut obtenir une infinité de compositions, puisqu’il n’existe pas de limitation sur la nature, le nombre, et l’arrangement spatial, donc sur la diversité possible. Cela donne lieu aux divers constituants de la matière : la matière inerte, sous toutes ses formes, la matière vivante, sous toutes ses formes également, ou la matière que Jean Marie Lehn nomme la matière pensante, dont, pour le moment, nous ne connaissons qu’une seule forme.

Il en existe probablement d’autres, compte tenu du milliard de planètes présentes dans l’univers : dire qu’il existe d’autres formes de matières pensantes est presque un impératif cosmique. Les lois de la matière sont telles que la recomposition de ces éléments devrait conduire à des organismes vivants, peut-être pensants, qui possèdent probablement une propriété autre que la pensée connue de nous, qu’il nous est très difficile d’imaginer, car penser par delà sa pensée n’a rien d’évident. C’est donc à partir des éléments contenus dans le tableau de Mendeleïev que sont constitués tous les organismes, connus ou non, et c’est l’interaction multiple de ces éléments qui en fait la complexité.

            Jean Marie Lehn nous dit que l’on a souvent tendance à considérer que la complexité est d’abord une question de multiplicité, de multiplicité des éléments qui serait la complexité du nombre.

Lui  la voit davantage comme une complexité de la combinaison, combinaison d’une part de la multiplicité des objets, combinaison d’autre part de leurs interactions, et combinaison enfin de leur intégration en une fonction.

            La complexité se situe donc davantage dans l’opération, c’est-à-dire dans l’agencement que dans le nombre.

 

1.3       La chimie supramoléculaire

Selon Jean-marie Lehn, la complexité est donc une combinaison du multiple, de l’interactionnel et de l’intégration.

Ce dernier mot d’ « intégration », est celui qu’il utilise le plus. Il est le maître mot de la chimie qu’il a développée et baptisée : « chimie supramoléculaire »[1]

Les éléments du tableau de Mendeleïev sont des briques. A partir de ces briques -les atomes- ;  sont construites les molécules, suivant des règles bien définies. (Les lois de combinaison de ces éléments sont très strictes). La manière dont cet ensemble de molécules interagit forme l’espèce supra moléculaire.

On peut comparer la molécule à un individu, les interactions entre les individus dans une société ou dans un groupement social représenteraient l’espèce supramoléculaire. Jean marie Lehn en parle parfois comme d’une sociologie supra moléculaire. Il étudie la manière dont les molécules inter-agissent les unes avec les autres. Lui-même établit cette autre comparaison linguistique: les lettres seraient les atomes, les mots seraient les molécules, la phrase serait l’espèce supra moléculaire.

Pour construire des molécules à partir d’atomes, on les lie les uns aux autres par des liaisons qu’on appelle fortes, en chimie : « liaisons covalentes ». Une fois qu’elles sont constituées, il reste à ces molécules des interactions plus faibles s’effectuant entre elles, qui ne sont pas soumises à des règles aussi strictes que celles qui les constituent. Les interactions entre les molécules sont donc plus souples, plus molles, plus modifiables que celles qui existent entre les atomes.

Nous avons dans notre organisme des cellules tueuses dont la mission est de trouver, de reconnaitre et de détruire des cellules malades (par exemple cancéreuses). Leur membrane contient des molécules très spécifiques (comme les mains de la cellule) q

Si la chimie moléculaire est celle de la maîtrise de la construction des molécules, la chimie supramoléculaire, quant à elle est celle de la compréhension des interactions moléculaires.

Dès lors que les molécules ou les cellules se reconnaissent, il y a information.

 

1.4       Comment la décrire, comment la quantifier, comment la manipuler ? C’est l’objet des grands travaux actuels de la chimie.

Un exemple : Le génome de tous les êtres vivants est écrit avec 4 lettres, 4 groupes chimiques que l’on peut désigner par la première lettre de leur nom chimique : A (Adénine) ; G (Guanine) ; T (Thymine) ; C (Cytosine)

Ces lettres vont se combiner les unes aux autres en de longues séquences, de manière très spécifique, pour former les molécules d’ADN qui constituent les génomes de tous les organismes vivants. Ces séquences sont lues et traitées par appariement. Ces lettres peuvent s’associer 2 par 2, A s’accroche à T par deux points de contact, G à C par 3 points de contact, et c’est ainsi qu’une séquence peut être lue. Quelle que soit la séquence de AGTC, le complémentaire s’effectue toujours en mettant un T en face d’un A, un C en face d’un G. C’est de cette manière que la séquence sera lue et pourra être traitée. Cette lecture est supramoléculaire.

La matière contient en elle-même du fait de ces interactions, les propriétés qui lui permettent de s’organiser.

Nous avons dans notre organisme des cellules tueuses dont la mission est de trouver, de reconnaitre et de détruire des cellules malades (par exemple cancéreuses). Leur membrane contient des molécules très spécifiques (comme les mains de la cellule) qui reconnaitront les molécules portées par la cellule malade par contact.

Exemple de l’eau : H²O :  Deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène. Une molécule d’eau a des propriétés totalement différentes de celles des atomes qui la constituent : H et O.

Si cette molécule d’eau est totalement isolée dans l’espace, elle ne peut ni geler, ni bouillir. En revanche si l’on prend un verre, il est possible de la geler ou de la faire bouillir. Ces propriétés n’existent que si les molécules sont en interaction. Ces molécules forment un ensemble supra moléculaire, dont les propriétés sont nouvelles. Ces propriétés émergent dès le moment où les molécules sont ensemble et peuvent interagir.

Parmi toutes ces propriétés, il y par exemple celle de pouvoir geler, de pouvoir bouillir, mais il y en a bien d’autres, telles les propriétés de réfraction ou de viscosité qu’une molécule prise séparément ne possédera pas !

Pourtant, si les propriétés de l’ensemble du verre d’eau ne sont pas réductibles à la molécule isolée, elles en sont déductibles. En partant de la molécule, il est possible d’en déduire et de calculer le fait qu’elle gèle et à quelle température, qu’elle bout et à quelle température…

( Ouvrons ici une parenthèse et souvenons nous ici ce qui a été dit de la valeur linguistique, différence entre valeur et signification, et tout ce qui a été dit à propos de la « valeur » d’un terme qui peut être modifiée sans qu’on touche ni à son sens, ni à ses sons, mais seulement par le fait que tel ou tel autre terme voisin sera simplement présent.)

 

Ce qui vaut pour l’eau, vaut aussi pour des objets infiniment plus complexes, y compris les organismes vivants et pensants. A chaque niveau de complexité croissant, de nouvelles propriétés apparaissent. On ne peut réduire la pensée ou la musique, à une histoire d’Hydrogène ou d’Oxygène, ou de Carbone, mais elles résultent de l’opération d’ensembles moléculaires et supra moléculaires, à un niveau majeur de complexité. Tout notre fonctionnement, le fait qu’on pense, ou que l’on crée est le résultat d’organismes constitués d’hydrogène, d’oxygène, de carbone, d’azote, de phosphore…

1.5       L’auto-organisation

Ici intervient la notion clé d’auto-organisation. Depuis le big-bang jusqu’à nous, la matière s’est organisée d’elle-même. A partir des briques contenues dans le tableau de Mendeleïev, et des forces de la physique permettant de comprendre comment les molécules interagissent, on peut saisir comment l’évolution de l’univers a pu générer l’énorme diversité de combinaisons possibles, aussi complexes soient-elles.

Une comparaison avec l’architecture nous permet d’imaginer la création d’une infinité de formes avec un seul élément : la brique. Même à partir d’une seule brique de forme simple, il est possible de construire une infinité de maisons, toutes différentes les unes des autres.

Alors imaginons ce que cela peut donner lorsqu’il n’y a pas qu’une forme de briques mais plusieurs !!!

On ne peut qu’admirer, s’extasier devant l’extrême complexité du vivant. Lorsqu’on considère l’énorme diversité des combinaisons et interactions possibles, on se rend compte que même le vivant et le pensant peuvent se concevoir.

Dans l’univers avant la vie, il devait y avoir à l’œuvre une auto-organisation.

 

1.5.1    Le génome s’écrit avec 4 lettres A G T C

Prenons la lettre A : Il s’agit d’un groupement classique qui résulte de la condensation de 5 molécules exclusivement constituées de H C N (hydrogène, carbone, et azote). Ainsi, à partir de ces 5 molécules très simples, présentes dans l’espace interstellaire, on peut former une des lettres du génome de tous les organismes vivant sur terre.

Si l’on ajoute un peu d’eau (H²O), on obtient la deuxième : G.

Avec quelques autres transformations chimiques, relativement simples, on obtient les deux dernières lettres : T et C

L’accès à toutes les lettres qui composent le génome de tous les organismes vivants se fait par des processus chimiques relativement simples, à partir d’éléments qui sont présents dans l’univers non vivant. S’il ne s’agit pas de réduire la vie à ces éléments, on peut toutefois la déduire de ces éléments.

 

1.5.2    Une parenthèse : les énantiomères [2]

Les principes actifs des médicaments de la pharmacopée sont composés soit d’une molécule unique, soit d’un mélange de plusieurs molécules. Lorsqu’un principe actif est formé en quantité égale de deux molécules symétriques l’une de l’autre dans un miroir, on parle d’un mélange racémique [3] de deux énantiomères.

Les énantiomères sont des molécules dont la composition chimique est strictement identique, mais de configuration spatiale inversée comme dans un miroir. On parle de chiralité (cheir en grec signifie main): l’objet chiral et son image chirale, non superposables dans un miroir plan sont appelés énantiomères. (comme les mains sont identiques mais non superposables). Deux énantiomères, alors que leur composition est strictement identique, peuvent avoir des propriétés physico-chimiques ou thérapeutiques totalement différentes. L’un peut être actif, l’autre neutre, certains énantiomères peuvent avoir des effets pharmacologiques opposés.

Le monde vivant est un monde chiral : l’enfant est confronté à la chiralité lorsqu’il se trompe de pied en essayant de mettre ses chaussures tout seul, ou de main pour ses gants. Au niveau moléculaire, tous les acides aminés des protéines sont lévogyres (ils diffractent la lumière vers la gauche) alors que l’hélice d’ADN compte parmi les rares molécules dextrogyres. (Elle diffracte la lumière vers la droite)

Dans le monde animal, les escargots peuvent présenter une coquille pouvant tourner soit dans le sens trigonométrique soit dans le sens horaire. Les cochons qui ont la queue en tire bouchon, peuvent avoir une queue horaire ou au contraire trigonométrique.

Dans le monde végétal : Deux énantiomères peuvent exhaler un arôme différent : le R Limonème possède une odeur d’orange alors que le S limonème possède une odeur de citron. Les deux énantiomères de la Carvone possèdent l’un une odeur de cumin et de fenouil, l’autre celle de la menthe verte.

En thérapeutique médicale, le Dextro-propoxyphène (Di-antalvic, maintenant retiré du marché) est un analgésique, alors que le Lévo-propoxyphène est un antitussif.

 

La stéréochimie connait actuellement un essor considérable depuis l’évolution technique permettant de séparer les énantiomères et de les produire purs en quantité importante, soit en les séparant du mélange racémique soit d’emblée par synthèse énantio-sélective.

L’utilisation en médecine de molécules énantiomériques peut présenter plusieurs avantages : une plus grande sélectivité du profil pharmacologique, une amélioration potentielle de l’index thérapeutique, une diminution du risque d’interactions médicamenteuses, et une relation effet/dose plus simple et moins soumise aux relations individuelles.

 

1.6       Tiers inclus intramoléculaire

Tout ceci nous rappelle qu’ au-delà d’une composition identique, c’est la relation, la disposition intra moléculaire qui définit l’action, les propriétés résultent non pas de la seule composition mais aussi et surtout de la disposition et des relations qui existent entre les molécules. Même si la présence des polarités atomiques est fondamentale, la propriété émane du quantum d’antagonisme variant aux dépens de l’actualisation ~ potentialisation de l’une ou l’autre des polarités.

Comme dans le cas de l’eau, la propriété n’est pas réductible aux deux molécules isolées, mais en est déductible. Elle est co-suscitée par les éléments en présence. [4]

Elle peut être qualifiée d’apodictique (qualificatif que nous retrouverons dans d’autres domaines étudiés dans d’autres articles sur ce site: la propriété obtenue renvoie à autre chose qu’aux deux molécules en présence (du grec apo : en dehors de , Deiknumi : montrer ; apodéiknumi : dé-montrer) . L’absolutisation de l’actualisation ou de la potentialisation de ces polarités est toutefois impossible.

 

 

La matière vivante est constituée des mêmes briques que la matière non vivante. C’est l’interaction supramoléculaire qui permet la constitution de la matière vivante.

La compréhension des phénomènes permet leur reproduction. La compréhension des phénomènes d’autoorganisation ayant permis l’apparition de la vie pourront ils un jour être reproduits ? ? : C’est bien là aujourd’hui le dessein de la science.

 

1.7       Auto organisation par dessein, auto-organisation par sélection

Le dessein, c’est le chimiste qui le programme ! , permettant ainsi aux composants d’interagir et de s’organiser d’une certaine manière. Il introduit dans les caractéristiques d’une brique les instructions qui vont la faire interagir comme on le souhaite avec les autres.

 

Après cela est venue l’idée que le processus d’assemblage pouvait lui-même choisir les éléments nécessaires à l’édification de l’objet final dans un milieu contenant une grande diversité d’éléments. Ainsi apparaît l’idée de sélection. Bien qu’ils soient mélangés, ils vont quand même pouvoir se retrouver et interagir les uns avec les autres pour constituer les mêmes ensembles que ceux qu’ils feraient s’ils avaient été isolés. Ils parviennent à s’auto-sélectionner. Cela repose sur la robustesse du programme présent. Il faut que le processus soit suffisamment robuste pour qu’il puisse se dérouler par sélection des composants requis et en présence de perturbations trop fortes.

La matière est douée d’auto-organisation. L’auto-organisation est LE phénomène majeur de la matière: C’est le processus, par lequel, à partir d’éléments dissociés qui se sont formés après le big-bang, a pu se constituer une matière de plus en plus complexe. A un moment est apparue la vie par des processus qui, sans être actuellement compris, ne sont pas incompréhensibles. Ensuite est apparue la pensée, encore beaucoup plus complexe. La question majeure est d’ailleurs celle-là : comment l’univers a-t-il pu générer un organisme qui puisse réfléchir sur l’origine de l’Univers lui-même.

Cette analogie avec la langue mérite d’être méditée : l’humain utilise son intelligence pour analyser son intelligence, comme la langue utilise son propre objet d’analyse comme outil d’analyse.

Il y eut la matière, puis il y eut l’être vivant, puis l’être pensant.

Qu’y aura-t-il après l’être pensant ?

Lorsque nous pensons l’inconcevable, cette absence n’est elle pas déjà une pensée ? [5] Nous dit Nishida Kitaro.

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[1] Le texte qui suit est en majeure partie extrait de «L’étincelle », journal de la création à l’IRCAM, juin 2009 #5

[2] Extrait de

[3] Du latin Racémus, qui signifie grappe de raisin

[4] « Sans l’odeur j’aurais pu oublier la journée. Mais malgré le savon, la douche, une chemise propre, je puais l’ordure. A chaque respiration, je revoyais cette plaine fumante et noire libérer par bouffées ses dernières molécules instables pour rejoindre enfin l’inertie élémentaire et le repos; cette matière au bout de ses peines, au terme de ses réincarnations, dont cent ans d’ondée et de soleil n’auraient plus tiré un brin d’herbe. Les vautours qui picoraient ce néant ne manquaient pas de nerf; la succulence de la charogne avait depuis longtemps déserté leur mémoire. La couleur, le goût, la forme même, fruits d’associations délicieuses, mais fugaces, n’étaient pas souvent au menu. Négligeant ces efflorescences passagères, en pleine torpeur, il digéraient la dure affirmation de Démocrite « Ni le doux ni l’amer n’existent, mais seulement les atomes et le vide entre les atomes »

Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Petite Bibliothèque Payot, Voyageurs, p 345.

[5] Nishida Kitaro, Logique du lieu et vision religieuse du monde, éditions Osiris, p 12.

One Comment

  1. jc 30 mars 2020 at 12 h 32 min

    CP: « On peut comparer la molécule à un individu, les interactions entre les individus dans une société ou dans un groupement social représenteraient l’espèce supramoléculaire. Jean marie Lehn en parle parfois comme d’une sociologie supra moléculaire. Il étudie la manière dont les molécules inter-agissent les unes avec les autres. Lui-même établit cette autre comparaison linguistique: les lettres seraient les atomes, les mots seraient les molécules, la phrase serait l’espèce supra moléculaire. »

    Je ne sais pas si J.M. Lehn connaît la citation suivante de René Thom -l’une de mes favorites-, mais je trouve qu’elle s’applique parfaitement à la citation ci-dessus: « Les situations dynamiques régissant l’évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l’évolution de l’homme et des sociétés. » (SSM, conclusion). Individus et molécules, même combat!

    Thom s’est préoccupé de linguistique, avec en tête des analogies embryologiques. Ainsi l’analogie Sujet-Verbe-Objet avec Endoderm-Mésoderme-Ectoderme, analogie osée qui a fait jadis (1989) écrire à Thom:

    « (…) j’avais cette association sujet / endoderme, verbe-action / mésoderme et objet / ectoderme. L’ectoderme c’est l’objet et le monde extérieur, à la fois, parce que cela donne une bonne partie de la peau, mais aussi parce que dans le cerveau on s’occupe surtout du monde extérieur. C’est la représentation du monde extérieur. Je ne sais pas ce qu’en pensent les gens, évidemment ils n’en pensent pas grand-chose, je n’ai jamais vu de réaction effective sur ce genre d’idée, ce qui est vraiment très curieux (…) Personne ne m’a jamais fait la moindre observation là-dessus. Je pense que ça stupéfie les esprits et c’est tout. Tant pis. »

    Il est, je crois, intéressant de noter qu’à cause de la règle des phases de Gibbs, reformulée « à la Thom », Thom explique la limitation de la valence verbale. Jean Petitot, l’un des plus fins connaisseurs de l’oeuvre de Thom écrit¹ à ce sujet:

    « Une des conséquences de sa théorie dont Thom était le plus fier était qu’elle expliquait la limitation drastique de la valence verbale. Dans un graphe actantiel, les vertex sont des nœuds verbaux et les arêtes sont les actants que le nœud verbal fait interagir. Le nombre d’arêtes (le degré du vertex) s’appelle la valence du nœud verbal. On constate empiriquement que, dans toutes les langues, celle-ci est limitée à 4. Pour Thom cela était la conséquence du fait qu’il ne peut pas y avoir plus de 4 déterminations en interaction locale dans les morphologies archétypes [représentables dans l’espace-temps]. »

    J’y connais fort peu en chimie et en linguistique. Y-a-t-il une limitation de la valence chimique? Y a-t-il des liens entre les linguistes et les chimistes? Y a-t-il des chimistes et des linguistes plutôt synchroniques, compétents (à la Tesnière?) et des chimistes et des linguistes plutôt diachroniques, performants (à la Chomsky?). Un rapport avec la citation suivante, citation qui m’a accrochée quand je l’ai lue?

    Thom (à propos de Chomsky): « Reste à comprendre comment une performance stoppe une compétence (au sens de Chomsky). » (Apologie du logos, p.374)

    ¹: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01265180/document

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