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Augustin Berque Les échelles de l’écoumène

By | 2023-10-25T20:45:45+02:00 25 octobre 2023|Art, Mésologie|0 Comments

Thème du tiers inclus : La Réalité,  L’Umwelt

Antagonismes en interaction : Sujet / Prédicat  :  S / P

 

 

Les échelles de l’écoumène

Augustin Berque

Membre de l’Académie Européenne

Prix Cosmos international 2018

 Grand Prix de Fukuoka 2009

 

Nous remercions Monsieur Augustin Berque de nous avoir adressé ce texte et lui exprimons notre extrême gratitude pour cette publication* sur le site tiersinclus.fr

 

* Illustrations réalisées par le site tiersinclus.fr

 

Un grand merci à Madame Francine Adam, son épouse,

de nous avoir fourni quelques photos inédites d’ Augustin Berque

 

***

 

 

Augustin Berque sur le traversier (ferry) 223  qui prolonge la départementale 223, traversant la
baie de Suruga entre Shimizu et Toi, sur fond de mont Fuji.
Par jeu de mot (ce qu’explique la pancarte), 223 peut se lire « fu-ji-san » (au lieu
de « ni-ni-san » ou « ni hyaku ni jû san »), homonyme de Fuji-san 富士山, le
mont Fuji.

 

 

Augustin Berque : Dans ma postface à Logos et lemme (YAMAUCHI Tokuryû, Rogosu to renma, 1974, trad. par Augustin Berque, avec le concours de Romaric Jannel), je remarquais que Yamauchi avait tenté de justifier le tétralemme nagarjunien en termes puremement logosiques, alors qu’il eût dû le faire en tenant compte de l’apport de la science, en l’occurrence de la mésologie (Umweltlehre) d’Uexküll. Dans le croître-ensemble (cumcrescere) des milieux vivants (Umwelten), notamment dans l’écoumène, qui est l’ensemble des milieux humains, règne la concrétude de la ternarité (S est P pour I), non la binarité de l’abstraction logosique (S est P). C’est ce qu’exprime la formule de la trajection, r = S/P (ce qui se lit : la réalité, c’est S en tant que P), où l’oblique / représente l’interprète I par lequel S est mis en oeuvre (energeia) en tant que P.  En soi, S n’est pas P : il n’ a que la potentialité (dunamis) de devenir P , par l’energeia que permet la ternarité S-I-P.

Il y a dans cette mise en œuvre ternaire un rapport d’échelle, comme je l’ai montré dans « Les échelles de l’écoumène » ; ternarité qui, cela va sans dire, ne peut pas être saisie par le dualisme, qui relève de l’abstraction binaire du seul logos. Revenons à la ternarité des choses de la vie, en partant du fait concret que nous-mêmes sommes en vie (pour l’instant) et qu’ ipso facto, nous mettons en œuvre l’être S en tant qu’un certain étant S/P (chacun de nous). Autrement dit, concrètement, le ser est estar, comme la vie existe en tant qu’espèces, l’espèce en tant qu’organismes individuels, et l’universel en tant que singuliers.

 

Résumé :  Les échelles de l’écoumène, ce sont les opérateurs existentiels – les « en-tant-que » – qui font que les données objectives de l’environnement brut (l’Umgebung), ek-sistant (trajectant) hors de la gangue de leur en-soi (S), sont historiquement prédiquées en S/P (S en tant que P), i.e. saisies et qualifiées en tant que quelque chose par une certaine société, ce qui en fait des qualia : les en-tant-que-quoi concrétisant un certain milieu : l’Umwelt singulière propre à cette société-là. Analogue à une œuvre d’art, cette trajection de l’environnement (S) en milieu (S/P) est une mise en œuvre (ἐνέργεια) de la puissance d’exister générale (δύναμις) de S en choses particulières (S/P), œuvre dont les qualia sont par essence irréductibles au « combien ? – combien de pièces, pour combien d’argent ? – » du produit industriel. C’est pourquoi le « règne de la quantité » (Guénon), indissociable de l’industrialité moderne, mine l’habitabilité de la Terre.

 

 

***

Les échelles de l’écoumène

Augustin Berque

 

Augustin Berque sur le terrain, avec ses carnets de notes,

 (Hokkaidô, octobre 2018)

 

« Écoumène » nous vient directement du grec οἰκουμένη, mot substantivant le participe passé féminin du verbe οἰκέω, « habiter », mais qui a plutôt été employé comme adjectif dans la locution οἰκουμένη γῆ, « terre habitée ». Comme οἶκος (maison) et comme son cousin le latin vicus (pâté de maisons, village), ces mots viennent de la racine indo-européenne WEIK- (habitation, village), de laquelle, par le latin ou le grec, viennent de nombreux mots français comme ville, villa, village, voisin, vicinal, paroisse, diocèse, œcuménique… ou même perroquet 2 !

 

Dès cette origine, l’écoumène tient une ambivalence essentielle : c’est à la fois, objectivement et généralement, la terre habitée par opposition à l’érème, ἔρημος, le désert, i.e. la terre inhabitée où, rejetant le monde, se réfugie l’ermite ἐρημίτης), mais c’est aussi, subjectivement et en particulier, la terre habitée par un « nous autres » : la terre des Grecs par opposition aux Barbares, ou plus tard l’empire romain en deçà du limes, puis le domaine de la chrétienté par opposition aux infidèles. Elle n’est pas seulement house (une habitation objective), mais aussi home (l’habitation vécue comme un chez-soi par l’être qui l’a construite et/ou l’habite).

 

La géographie moderne a réintroduit le terme οἰκουμένη au masculin, en l’écrivant oekoumène, oecoumène ou écoumène. Dans cet usage, il s’agit de la partie objectivement habitée de la planète Terre, celle de Galilée, qui tourne. En revanche, je parle ici d’écoumène au féminin, non par purisme – un retour archaïsant au genre féminin d’οἰκουμένη –, mais pour souligner la différence entre cette acception-là et celle que je lui donne.

 

Il s’agit bien toujours, dans celle-ci, de la Terre de Galilée, qui tourne (si muove), mais non moins de la Terre de Husserl, qui ne tourne pas (bewegt sich nicht)3, en ce qu’elle fonde notre être même, et par conséquent notre capacité de penser.

 

Autrement dit, dans la relation écouménale, la Terre est à la fois physique et phénoménale. Elle nous porte, mais aussi nous comporte.

 

Cette ambivalence pose d’emblée un problème onto-logique – un problème à la fois logique et ontologique : comment la Terre peut-elle être à la fois ceci et cela, un objet mobile (A) mais aussi un référent immobile (non-A) ?

 

On peut certes évacuer ce problème d’une pichenette en considérant, d’un point de vue quantitatif, que notre taille étant infinitésimale par rapport à celle de la Terre qui nous porte; son mouvement entraîne ipso facto le nôtre, ce qui nous la fait croire immobile ; mais cela n’explique en rien la diversité des milieux humains, laquelle relève du qualitatif : c’est une question de qualia, de choses concrètement sensibles et toutes différentes, non pas d’objets comptables parce qu’abstraitement réduits à un même dénominateur.

Autrement dit, ce n’est pas une question de proportion, mais une question d’échelle. La proportion relève de la seule géométrie et peut donc être totalement abstraite, l’échelle implique une réalité concrète.

 

Cette différence entre échelle et proportion a été mise en lumière par Philippe Boudon dans « Sur l’espace architectural »  4. Cet essai d’architecturologie en donne, entre autres, l’exemple suivant : géométriquement, une poutre est un parallélépipède, dont on peut doubler l’échelle en gardant les mêmes proportions (à longueur doublée, épaisseur doublée, et ainsi de suite) ; mais architecturalement (concrètement), si l’on double la longueur d’une poutre, il faut plus que doubler son épaisseur, sinon elle casse.

 

Boudon note que cette différence entre échelle et proportion avait été pressentie par Viollet le Duc, qui avait remarqué que dans les temples grecs, la taille des marches variait en fonction de celle du temple lui-même – affaire de proportion, commente Boudon –, tandis que dans les temples romains, elle restait fonction de la taille humaine – affaire d’échelle, commente Boudon –.

 

Le point de vue quantitatif, binaire et abstrait qui est celui de la proportion s’illustre dans l’apophtegme de Korzybsky : « Une carte n’est pas le territoire ». Pure abstraction, cet apophtegme est à la fois une lapalissade – certes, un territoire n’est pas une feuille de papier ! – et une absurdité – les cartes, ça existe bel et bien ; et, à une certaine échelle – par exemple le 1:200 000 des cartes routières Michelin -, leurs centimètres sont bien les kilomètres du territoire qu’elles représentent.

 

 

Qu’est-ce donc qu’une représentation?

 

Fondamentalement, c’est la saisie de quelque chose en tant que quelque chose – etwas als etwas -, selon l’expression utilisée par Heidegger dans son séminaire de 1929-1930 5.

On se gardera de réduire, avec les œillères du dualisme moderne, le second etwas (quelque chose) – i.e. les diverses réalités de l’écoumène – à des  « points de vue » divers sur une même « Réalité objective », laquelle serait S (l’objet du physicien : ce que l’on observe, qui n’est autre que le sujet du logicien : ce dont il est question, S) . Concrètement, il s’agit bien de réalités différentes (S/P, S/P’, S/P’’, etc.), chacune dans un rapport spécifique avec l’être concerné. L’oblique « / » indique donc que le rapport S/P est non point binaire (S est P), mais ternaire (S-I-P, i.e. S est P pour I. Mnémotechniquement, on pourra considérer que dans S/P, I est incliné en /, devenant ainsi l’opérateur existentiel en tant que.

 

Pour la même raison (ladite ternarité), S, en soi, n’est jamais que virtuel : il est insaisissable (donc incalculable) comme tel, P supposant nécessairement la contingence qu’entraîne l’opération concrètement effectuée par I. Comme l’aurait dit Aristote, S relève du pouvoir-être, à savoir de la dunamis δύναμις avant son Energia ἐνέργεια, i.e. sa mise en œuvre ou son actualisation en S/P en fonction de I ; autrement dit, avant sa réalisation.

 

Augustin Berque, dans son bureau

 

Effectivement, l’être n’existe pas tant qu’il n’ek-siste pas en tant que quelque chose – als etwas, dira Heidegger, qui a été profondément influencé par Uexküll, au point de lui consacrer une bonne partie du séminaire susdit (celui de 1929-1930). Dans la version publiée après sa mort 6, on peut lire p. 456, à propos de la proposition énonciative et de la σύνθεσις chez Aristote : « [Aristote] veut dire ce que nous appelons la structure d’« en tant que » (die ›als‹-Struktur). C’est ce qu’il veut dire, sans vraiment s’avancer expressément dans la dimension de ce problème. La structure d’« en tant que », la perception par avance unifiante (vorgängige einheitbildende Vernehmen) de quelque chose en tant que quelque chose (etwas als etwas), est la condition de possibilité de la vérité ou de la fausseté du λόγος »7 .

 

Ce qui pour nous existe – la réalité – n’est donc ni proprement objectif, ni proprement subjectif, mais trajectif. Effet de cette trajection8 de S en tant que P (i.e. S/P), la réalité de l’écoumène est trajective. Pour la même raison, elle excède les limites physiques de la planète Terre. C’est notre monde, qui comprend tout ce qui pour nous existe, jusqu’aux astres les plus lointains.

 

Telle est donc l’écoumène : la demeure humaine, ou l’ensemble des milieux humains dont nous autres humains incarnons l’opérateur existentiel, et sommes donc l’agent principal.

 

C’est ce que la langue japonaise a rendu par le terme shutai 主体 – littéralement « corps (tai  体, ou 體dans la graphie non simplifiée) principal (shu 主) », ou maître-corps -, terme qui, avec des connotations différentes, a été utilisé concurremment avec shukan 主観 (littéralement : « regard principal ») pour rendre les mots européens subject, Subjekt, sujet9.

 

On remarquera que ledit maître-corps correspond à l’oblique / dans la formule S/P : c’est ce maître-corps qui fait advenir comme telle (ereignen, dirait Heidegger, qui en a tiré le concept d’Ereignis : « advenance ») la réalité singulière des choses propres à un certain milieu, à partir de l’universalité virtuelle du donné environnemental brut (l’Umgebung chez Uexküll, laquelle correspond à la δύναμις aristotélicienne).

 

On remarquera aussi que cette obliquité des maîtres-corps de leurs milieux respectifs est à l’image de celle des échelles que l’on employait jadis pour monter et descendre des navires de haut bord amarrés à quai dans un port, usage qui a entraîné l’emploi d’« échelle” (variante : “escale”) pour dire “port”, comme dans les anciennes expressions “échelles du Levant” ou “échelles de Barbarie”. Je garde cette image pour parler ici des “échelles de l’écoumène”, dans le sens des maîtres-corps qui, dans un certain milieu en particulier comme dans l’écoumène en général, opèrent la trajection de S en S/P, et ainsi d’ Umgebung en Umwelt.

C’est en ce sens que tout être vivant est l’agent principal, le shutai, l’échelle de son propre milieu10, lequel, en retour, le détermine en un certain sens (Uexküll parle de « contre-assemblage », Gegengefüge). Autrement dit, l’être se crée en créant son milieu11, à partir du donné brut de l’environnement, i.e. l’Umgebung dans la terminologie d’Uexküll. Celui-ci, avec notamment ses fameuses expériences sur la tique, fut le premier à clairement distinguer l’environnement brut (l’Umgebung) du monde ambiant (l’Umwelt). Si je traduis ce dernier mot par « milieu », c’est dans le fil de l’emploi que l’école française de géographie humaine, depuis son fondateur Paul Vidal de la Blache (1845-1918)12 , a fait de cette notion en tenant compte de sa contingence historique, laquelle exclut que cela soit réduit au seul donné environnemental – et donc soumis au déterminisme communément dit « géographique« , mais que je préfère qualifier « d’environnemental », la géographie humaine ne se bornant justement pas au donné physique.

Paul Vidal de la Blache

 

Voilà ce que l’historien Lucien Febvre, qui fut l’élève de Vidal, devait à son propos, après la mort de celui-ci, qualifier de « possibilisme » dans La Terre et l’évolution humaine.

Introduction géographique à l’histoire (1922). Bien des contresens ont été commis à propos de ce « possibilisme », le plus grave étant de considérer que les humains pourraient se permettre de faire n’importe quoi sur la planète Terre. Ce n’est évidemment pas dans ce sens- là qu’il faut l’entendre, mais bien dans le sens de la δύναμις aristotélicienne, et par conséquent dans le sens de la trajectivité des milieux humains, comme des milieux vivants en général.

Je n’irai pas jusqu’à dire que cette trajectivité avait été pressentie par Vidal. Celui-ci restait clairement positiviste, et son propos, contrairement à celui de Jakob von Uexküll (1864-1944), n’a encore rien à voir avec la phénoménologie.

Quant au propos d’Uexküll, pionnier de l’éthologie et de la biosémiotique, celui-ci l’a ramassé en 1934 dans un petit livre très accessible, et subtilement illustré par son collègue

Georg Kriszat : Incursions en milieux animaux et humains. Théorie de la signification13. Sa thèse essentielle, expérimentalement prouvée, est que le donné environnemental (Umgebung)  fût-il le même, il n’existe pas sur le même « ton » (Ton) selon l’espèce vivante concernée. Par exemple, une même touffe d’herbe existera sur le ton de l’à-manger (Esston) pour une vache, sur le ton de l’obstacle (Hinderniston) pour une fourmi, sur le ton de l’abri (Schutzton) pour un scarabée, etc. Uexküll parle donc de « tonation » (Tönung).

 

Cela correspond à ce que j’appelle plus haut « trajection »,

le maître-corps (shutai) en l’affaire étant l’animal concerné.

 

Qu’il ait eu ou non connaissance des travaux d’Uexküll, le philosophe japonais Watsuj Tetsurô (1889-1960)14 devait l’année suivante, en 1935, publier une thèse homologue sur les milieux humains : Fûdo15. Ce qu’il nomme fûdo 風土 y correspond, pour l’humain en particulier, à ce qu’Uexküll appelle Umwelt pour l’animal en général (on peut même dire aujourd’hui : pour le vivant en général).

On verra plus loin, en document annexe (Fûdo and  Edo) ; ce que cet ouvrage représente aujourd’hui pour la mésologie – l’étude des milieux (Umweltlehre) – telle que je la conçois. La subjectité (shutaisei 主体性) – le fait d’être un sujet, non un objet 16 - y tient un rôle central, celui justement du maître-corps dont il est question ici. Cela va plus loin que l’agentivité (agency) dont on parle communément aujourd’hui dans les sciences sociales ; il s’agit de l’ouverture et de la formation d’un certain monde, en somme de la Weltbildung heideggérienne.

 

Soulignons que dans ladite ouverture de monde, la symbolicité intervient au même titre que la formation (Bildung) la plus matérielle. Or l’essence de la symbolicité, c’est que A y  vaut comme non-A. Par exemple, deux pièces de bois entrecroisées y vaudront comme signe de chrétienté. Cela outrepasse le principe du tiers exclu et la mesurabilité : un symbole est, par essence, incommensurable. Bernard Lassus17 a ainsi parlé de « démesurable » à propos de ces banlieusards qui , en « habitants paysagistes », aménagent à leur guise leur pavillon et leur jardin.

L’industrialité moderne, quant à elle, ne saurait prendre en compte ce démesurable de l’habitation humaine, car elle se borne par définition à la quantité mesurable du produit industriel : combien de pièces, en combien de temps, pour combien d’argent. L’industrialité, en somme, n’est qu’un autre nom du « règne de la quantité » que dénonça René Guénon18 (dont il va du reste sans dire que la mésologie, qui reconnaît la Terre de Galilée non moins que celle de Husserl, n’adopte pas le mysticisme). Autrement dit, l’industrialité ne prend pas en compte l’éco-techno symbolicité19 des milieux humains, donc de l’écoumène, qui est l’ensemble des milieux humains. Ontologiquement, elle est adverse à l’habitabilité de la Terre, qui est l’essence de l’écoumène.

 

*

1 À laquelle je n’ai pu participer qu’en visio, et par le présent texte.

2 Plus de détails dans R. GRANDSAIGNES D’HAUTERIVE, Dictionnaire des racines des langues européennes, Paris, Larousse, 1994, p. 234.

3 Edmund HUSSERL, L’Arché-originaire Terre ne se meut pas (trad. par D. Franck, D. Pradelle et J.-F. Lavigne de Die Ur-Arche Erde bewegt sich nicht, 1934), Paris, Minuit, 1989.

4 Philippe BOUDON, Sur l’espace architectural. Essai d’épistémologie de l’architecture, Paris, Dunod, 1971.

5 Publié après sa mort sous le titre Die Grundbegriffe der Metaphysik. Welt–Endlichkeit–Einsamkeit, Frankfurt am Main, Klostermann, 1983 ; trad. par Daniel Panis Les Concepts fondamentaux de la métaphysique. Monde-finitude-solitude, Paris, Gallimard, 1992.

6 Les Grundbegriffe cités ci-dessus en note 5.

7 Die Grundbegriffe…, p. 456. Italiques de Heidegger. Trad. A.B.

8 J’ai commencé à employer ce terme à propos du Japon dans Le Sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature, ouvrage paru chez Gallimard en 1986 mais rédigé pour l’essentiel au cours de l’été 1984, à Saint-Julien-en-Born, entre deux vagues à Contis.  Il m’a valu, par affinité profonde, d’être associé par Bernard Lassus à son projet de DEA sur le paysage, qu’il a réalisé en 1991 sous le nom Jardins, paysages, territoires, et dans le cadre duquel j’ai professé que le paysage relève d’un problématique du milieu. Lassus enseignait quant à lui que le paysage n’est pas l’environnement.

9 La polysémie de ce terme de « sujet » a été rendue en japonais par des mots différents, outre shukan et shutai : shudai 主題 (ce dont il s’agit, thème), shugo 主語 ou shuji 主辞 (sujet grammatical), etc. 主體, lu juche 주체en coréen, a été le concept central de l’idéal d’indépendance de la Corée vis-à-vis de ses puissants voisins, la Chine et le Japon, plus particulièrement ce dernier, qui l’a annexée de 1910 à 1945; à la suite de quoi Kim Il-

sung (Kim Il Sŏng, 1912-1994) devait faire de cet idéal le cœur d’une idéologie qui, en Corée du nord, a dérivé en culte de la personnalité.

10 On pensera, bien sûr, à l’apophtegme de Protagoras (-485/-411), πάντων χρημάτων μέτρον ἐστὶν ἄνθρωπος (l’homme est la mesure de toute chose). La différence entre la mésologie et le sophisme, c’est que celui-ci se borne à S/P, tandis que celle-là suppose S pour qu’il puisse y avoir un quelconque P. Rappelons en passant que les scolastiques appelaient le sujet suppositum, et le prédicat appositum. Plus : allons jusqu’à voir le rapport entre ces deux termes comme la trajection entre le quai (S) et le navire de haut bord (P) dont il était question plus haut à propos des échelles du Levant ou de Barbarie ; et pour faire bonne démesure (v. plus loin, à propos des « habitants paysagistes » de Lassus), lisons Les échelles du Levant, d’Amin Maalouf.

11 Comme j’ai essayé de le représenter graphiquement dans Dryades & ptérodactyles de la Haute Lande. Dessins et légendes, Paris, éditions du non-agir, 2021.

12 Connu aussi comme Vidal Lablache par le nom que porte son célèbre Atlas général (1894), récemment réédité – hélas un peu raccourci, par exemple sans la carte des anciens « pays » de la France – par Armand Colin (2016). Plus connues encore furent les cartes murales Vidal Lablache, qu’on pouvait voir dans toutes les écoles de France et de Navarre.

13Jakob von UEXKÜLL, Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen. Bedeutungslehre, Hambourg, Rowohlt, 1934 ; traduit en français par Philippe Muller : Mondes animaux et monde humain, suivi de La théorie de la signification, Paris, Denoël, 1965 ; et par Charles Martin-Freville, Milieu animal et milieu humain, Paris, Rivages, 2010. Améliorée à divers égards, cette seconde traduction ne comporte malheureusement pas la Théorie de la signification, qui est essentielle au propos d’Uexküll.

14 和辻哲郎. En Asie orientale, le patronyme (Watsuji) précède le prénom (Tetsurô).

15 Que j’ai traduit sous le titre Fûdo, le milieu humain, Paris, CNRS, 2011. Voir plus loin le document annexe Edo and Fûdo.

16 La subjectité (subjecthood, shutaisei ) n’est pas réductible à la subjectivité (subjectiveness, shukansei ), qui n’en est qu’un attribut. Romaric Jannel, dans ses conférences au Collège international de philosophie sur « L’humain et l’environnement dans l’école de Kyōto » (2023), traduit shutai par « sujet agissant » et shukan par « sujet contemplatif ».

 

17 Dans Jardins imaginaires, Paris, Presses de la connaissance, 1977.

18 René GUÉNON, Le Règne de la quantité et les signes des temps, Paris, Gallimard, 1945.

19 En me référant entre autres à Leroi-Gourhan (Le Geste et la parole, 1964), j’ai développé ce thème dans de nombreux ouvrages, notamment dans Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin 2000 ; Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, Paris, Belin, 2014 ; Recouvrance. Retour à la terre et cosmicité en Asie orientale, Bastia, éoliennes, 2022

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