Définitions :
Tarente: Port d’Italie situé dans les pouilles. Étymologie : Du pré-indo-européen. Tar – : Pierre, rocher
Tarentule: Grosse araignée répandue en Europe méridionale
Tarentelle: Ensemble de danses traditionnelles rapides, et de formes musicales associées, de l’Italie méridionale.
Tarentula : Remède homéopathique indiqué dans les troubles nerveux caractérisés par une extrême agitation mêlée d’anxiété et de violence.
Tarentisme ou Tarentulisme : Maladie qui sévissait au Moyen Âge, près de la ville de Tarente dans la région des Pouilles dans le Sud de l’Italie du XV ème au XVII ème siècle. On la croyait causée par la morsure d’une araignée, la tarentule, et on la soignait par un rituel choréo-musical, la tarentelle que le tarentisme est également venu à désigner.
***
LA TARENTA
La courte vidéo
située à la fin de cet article
facilite la compréhension du texte
Thème du tiers inclus: Reconnaissance et intégration sociale de la « folie », de la damnation, de la marginalité, de l’exclusion, de la souffrance, du blasphème.
Antagonismes en interaction: Rite païen ~ Religion, Envoûtement ~ Purification, Envoûtement ~ Conjuration, Possession ~ Délivrance, Ensorcellement ~ Exorcisme, Anonymat ~ Acceptation sociale, Marginalité ~ Reconnaissance sociale, Privation de droits élémentaires ~ Mise en scène du désespoir
La Tarenta est l’araignée mythique, en soi inoffensive, qui mord symboliquement et génère par son poison, des troubles du corps et de l’âme. Le Tarentisme est le mal du mauvais passé qui revient et reprend son tourment, s’origine de la contamination de rites orgiaques et initiatiques païens entre l’an 800 et l’an 1300. Il a été et reste diversement relaté depuis 1700, lorsqu’à l’espérance de libération des possédés, l’église substitue l’image de Saint Paul.
***
LA TARENTA
de
Gianfranco Mingozzi
Voici la terre des Pouilles et du Salento, fendue par le soleil et la solitude.
Ici l’homme chemine sur les lentisques et la terre d’argile.
Depuis des siècles, toute pierre s’y défait et s’y corrode,
jusqu’aux pierres équarries dressées par l’homme
Les maisons grossières, les églises où se mesurent la douleur et l’espérance,
se dessèchent et tombent dans le silence
L’eau est avare
Les animaux battent de leurs sabots un tempo aux invisibles mutations…
Les couleurs sont blanches, noires, rouille.
C’est une terre de poisons animaux et végétaux
Dans la fournaise, surgit l’araignée de la folie et de l’absence.
Elle s’insinue dans le sang de corps délicats
qui ne connaissent que le travail aride de la terre
Ici croissent entre les épis de blé et les feuilles de tabac,
la superstition, la terreur, l’angoisse
d’un sortilège possible, domestique
Les génies païens de la maison semblent résister à une profonde métamorphose
qu’une civilisation millénaire tente d’imposer
*
L’été, saison pesante des grecs,
s’insinue comme poussière et dessèche l’eau des puits
La lumière blanche stridente déchire les yeux,
l’ennui pénètre à l’intérieur de l’homme,
pousse ses sentiments vers l’irrationnel,
déforme les instincts
Les tarentulées disent sentir l’ennui dès le début du mal
*
Leur mal est soigné par les cadences d’une musique puissamment rythmée et répétitive,
et par la danse de la petite Taranta
La Tarentelle
Les instruments musicaux du soin sont le violon, l’accordéon et le tambourin
Le violoniste est coiffeur
le tambourineur est agriculteur
l’accordéoniste porte les morts en terre
La Tarentulée se fait araignée
Elle devient l’araignée qui est en elle
Sa pensée devient rythme pur
et, de ses mouvements presque mécaniques,
surgissent des figures de libération
ébranlées d’ombres désespérées.
Luttant contre la Taranta
Elle s’imagine la piétiner et la tuer du pied qui bat la danse.
Pas après pas, elle cherche l’équilibre de son esprit
cernant le vertige en des courbes musicales de plus en plus vibrantes
jusqu’à la perte des sens
*
La possédée demande à saint Paul
si elle doit poursuivre son tourment rythmique
ou si la grâce du repos lui a été accordée
Le Saint demande à la femme l’offrande d’une messe
La malade refuse
Son cœur exige d’abord un signe
qui éloignera son tourment maléfique
Ainsi, par le symbolisme de la musique et de la danse,
le passé de douleur, les défaites de l’âme,
les blessures des Tarentulées sont évoquées,
déversées et défaites dans un équilibre qui durera
jusqu’à la saison de la nouvelle récolte.
Le vingt huit juin de chaque année
sous le soleil brûlant,
les Tarentulées
et celles qui ont été libérées du mal
s’en vont
à la chapelle de saint Paul
Elles portent l’espoir d’entendre des lèvres du Saint
une parole qui anéantira toute force maléfique
C’est le grand jour des tarentulées
Une fois l’an
elles secouent le fardeau
de leurs tourments,
de leur place anonyme dans la société,
et de la privation de leurs droits élémentaires
Elles peuvent mettre en scène leur désespoir devant une foule de spectateurs
Chaque année, l’espoir d’une guérison arrive dans leur âme
*
Lorsqu’arrive la nuit
Les femmes se rassemblent et prient dans la chapelle
Musique et danse sont à présent interdites par la piété chrétienne
Le Tarentisme amorce son déclin
Ce qui pouvait passer pour une chorégraphie ou un folklore
appartient désormais au champ de la neurologie
*
Dans l’évolution contemporaine du monde
cet héritage du moyen âge
entame désormais son dernier acte
. . .
» La Tarenta «
Film de
Gianfranco Mingozzi
. . .
Je suis toujours étonnée par la variété de tes recherches fort intéressantes au demeurant.
Bonne année et à la lecture de ton prochain article
Jacline
Si l’histoire m’était toujours contée en des termes si beaux, je cesserais d’être un cancre de la vie