///Nicolas de Staël La peinture à vif

Nicolas de Staël La peinture à vif

By | 2023-12-26T10:22:06+01:00 8 novembre 2023|Art, Peinture|1 Comment

Thème du tiers inclus: La peinture à vif

Antagonismes en interaction:  Entre besoin forcené de créer et tourment de vivre

 

*

 

« Toute ma vie, j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, toutes les sensations, toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai jamais trouvé d’autres issues que la peinture »

                                                    Nicolas de Staël

 

*

 

 

Nicolas de Staël

 

La peinture à vif

 

 

 

Départ – Pas un départ, tout au plus un faux-recul

Il se peut que le départ soit une certaine inquiétude de l’esprit

avec bien sûr

un besoin immédiat de l’assouvir

 

sa conscience du possible

l’inconscience de l’impossible

et

le rythme libre

 

 

Respirer, respirer

ne jamais penser au définitif sans l’éphémère

 

Sans néant graphique pas de vision directe

De la couleur sans couleur aux aguets…

 

Comme cela, vertical sur le crâne

 

 

Alors voilà du bleu, voilà du rouge, du vert à mille miettes

broyés différemment

et tout cela gagne le large,

muet, bien muet.

Un œil, éperon

 

 

On ne peint jamais ce qu’on voit ou croit voir,

on peint à mille vibrations

le coup reçu à recevoir, semblable, différent,

un geste, un poids.

 

Tout cela à combustion lente.

 

 

Palette- c’est le timbre, le son, la voix

Le saut de la plate-forme,

impossible à repérer, ça va trop vite,

c’est peut-être pour cela précisément que c’est si lent

 

 

Niaiserie, une des sources les plus profondes a discrétion

 

Le large est à tout le monde

Seulement chacun a des narines différentes pour en percevoir ce qu’il peut

 

 

Aller jusqu’au bout de soi …

Tour de passe-passe

acrobate et compagnie

 

La mort

 

N’évaluer jamais l’espace trop rapidement

 

 

Il y a des petites pommes de pins toutes ratatinées

dont l’odeur nous donne une telle impression d’immensité

que l’on se promène à Fontainebleau

en étouffant

dans cette forêt exactement

comme dans une mansarde à nains.

 

L’atmosphère ne se volatilise pas.

 

Une capacité de violence est là.

 

Cela ne dépend pas du talent

cela  ne dépend pas de la maîtrise

cela ne dépend pas de la volonté de faire quelque chose.

 

 

On se perd à jamais à partir de l’instant ou quelque chose se passe,

tout est là.

On ne peut absolument pas penser à quelque objet que ce soit,

on a tellement d’objets en même temps que la possibilité d’encaissement s’évanouit.

 

 

 

Chez Rembrandt un turban des Indes devient brioche,

Delacroix le voit comme meringue glacée,

Corot tel un biscuit sec

et  ce n’est ni turban ni brioche ni rien

qu’un trompe-la-vie

comme sera toujours la peinture pour être.

 

 

Ce qui donne la dimension,

c’est le poids des formes,

leur situation

le contraste.

 

Je  n’y crois pas aux titres, vous le savez.

 

 

Réaliste, chacun à l’échelle de ses propres dents

Plus la chose est coriace, plus il faut se la faire intime

Fond libre.

Ecran.

Il faut penser

à l’impersonnel

au commun

 

 

Il faut que ce soit donné,

donné absolument

 

 

A propos de tout un prétexte

Il faut parfois que les désirs donnent

L’unité a son rapport

 

 

Staël

     1949

 

 

 

One Comment

  1. Michèle Bonnot 3 janvier 2024 at 13 h 24 min

    Ce texte me remue jusqu’au fond de mon âme……. Prestigieux Nicolas de Stael !! Immense créateur de rêves vrais !

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