Thème du tiers inclus: La peinture à vif
Antagonismes en interaction: Entre besoin forcené de créer et tourment de vivre
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« Toute ma vie, j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, toutes les sensations, toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai jamais trouvé d’autres issues que la peinture »
Nicolas de Staël
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Nicolas de Staël
La peinture à vif
Départ – Pas un départ, tout au plus un faux-recul
Il se peut que le départ soit une certaine inquiétude de l’esprit
avec bien sûr
un besoin immédiat de l’assouvir
sa conscience du possible
l’inconscience de l’impossible
et
le rythme libre
Respirer, respirer
ne jamais penser au définitif sans l’éphémère
Sans néant graphique pas de vision directe
De la couleur sans couleur aux aguets…
Comme cela, vertical sur le crâne
Alors voilà du bleu, voilà du rouge, du vert à mille miettes
broyés différemment
et tout cela gagne le large,
muet, bien muet.
Un œil, éperon
On ne peint jamais ce qu’on voit ou croit voir,
on peint à mille vibrations
le coup reçu à recevoir, semblable, différent,
un geste, un poids.
Tout cela à combustion lente.
Palette- c’est le timbre, le son, la voix
Le saut de la plate-forme,
impossible à repérer, ça va trop vite,
c’est peut-être pour cela précisément que c’est si lent
Niaiserie, une des sources les plus profondes a discrétion
Le large est à tout le monde
Seulement chacun a des narines différentes pour en percevoir ce qu’il peut
Aller jusqu’au bout de soi …
Tour de passe-passe
acrobate et compagnie
La mort
N’évaluer jamais l’espace trop rapidement
Il y a des petites pommes de pins toutes ratatinées
dont l’odeur nous donne une telle impression d’immensité
que l’on se promène à Fontainebleau
en étouffant
dans cette forêt exactement
comme dans une mansarde à nains.
L’atmosphère ne se volatilise pas.
Une capacité de violence est là.
Cela ne dépend pas du talent
cela ne dépend pas de la maîtrise
cela ne dépend pas de la volonté de faire quelque chose.
On se perd à jamais à partir de l’instant ou quelque chose se passe,
tout est là.
On ne peut absolument pas penser à quelque objet que ce soit,
on a tellement d’objets en même temps que la possibilité d’encaissement s’évanouit.
Chez Rembrandt un turban des Indes devient brioche,
Delacroix le voit comme meringue glacée,
Corot tel un biscuit sec
et ce n’est ni turban ni brioche ni rien
qu’un trompe-la-vie
comme sera toujours la peinture pour être.
Ce qui donne la dimension,
c’est le poids des formes,
leur situation
le contraste.
Je n’y crois pas aux titres, vous le savez.
Réaliste, chacun à l’échelle de ses propres dents
Plus la chose est coriace, plus il faut se la faire intime
Fond libre.
Ecran.
Il faut penser
à l’impersonnel
au commun
Il faut que ce soit donné,
donné absolument
A propos de tout un prétexte
Il faut parfois que les désirs donnent
L’unité a son rapport
Staël
1949
Ce texte me remue jusqu’au fond de mon âme……. Prestigieux Nicolas de Stael !! Immense créateur de rêves vrais !