Thème du tiers inclus: La Concordia. Hamidou Sall dénonce la démission de l’Europe face à la dichotomie idéalisme / matérialisme; esprit / matière, science / foi sans conscience du danger que ce renoncement répand: celui de créer un monde de machines, sans âme, sans chaleur humaine. Nous [1] sommes si fiers de notre culture de la palabre qu’une certaine vision de l’Occident se plaît à définir comme d’interminables paroles vaseuses et oiseuses, sans tête ni queue. L’arbre à palabres, c’est notre agora. C’est ce lieu où les contradictions les plus acerbes s’expriment d’abord pour se résoudre ensuite dans une harmonieuse unité des esprits et des cœurs. C’est donc ce lieu où naît la Concordia, où se construit la cohésion de nos sociétés. La parole sacrée qui clôt la palabre est la gardienne d’un code d’honneur, code de conduite et mode de gestion de la Cité. Elle garde et transmet les valeurs que sont le respect de la parole donnée, la soumission à la règle du droit d’ainesse, l’obligation d’accorder le pardon à celui qui le demande d’une manière honnête et sincère avec la volonté ferme de ne plus le solliciter pour la même raison.
[1] Hamidou Sall, L’occident ambigu, Ed. Erick Bonnier, p 113
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Parlant du jeune Samba Diallo de l’aventure ambigüe ( Cheikh Hamidou Kane), Hamidou Sall écrit :
Formidable aventure, en effet, ambigüe, douloureuse, qui n’est pas seulement celle d’un déracinement. C’est aussi celle d’une nouvelle dualité, énigmatique et difficile à vivre, comme le confie Samba aux membres d’une famille antillaise rencontrée à Paris :
« Je ne suis pas un pays des Diallobé distinct face à un occident distinct, et appréciant d’une têtre froide ce que je puis prendre et ce qu’il faut que je lui laisse en contrepartie, je suis devenu les deux. Il n’y a pas une tête lucide entre les deux termes d’un choix, il y a une nature étrange en détresse de n’être pas deux »
Puis plus loin [1] : Tout un symbole est là, qui préfigure le mariage forcé de deux contraires, la rencontre de deux peuples, deux cultures, deux civilisations. Le tumulte et le fracas des vagues océaniques, heurtant les eaux d’un fleuve qui va vers sa destinée. Sur cette Langue de Barbarie aux plages de sable fin, le soleil décline vers son lit de mer. Un jour se meurt et annonce une aube nouvelle. Je note qu’inconsciemment je viens de citer Victor Hugo et Léopold Sédar Senghor. Cela m’arrive souvent parce qu’on est aussi le fruit de ses lectures. Paul Valéry l’a écrit : «Le lion est fait de moutons assimilés»
Au lycée, comme j’étais en classe de philosophie, mon oncle, surveillant de près mes études, évoquait souvent Gaston Bachelard, pour éveiller mon attention et m’instruire sur les étapes de la formation de l’esprit scientifique. C’est ainsi que je me suis familiarisé avec le concept de la rupture épistémologique et avec la nécessaire « philosophie du non » sans laquelle le doute si fécond et si fertile n’est pas possible [2].
Léopold Sédar Senghor, lui aussi était déjà conscient de ces menaces qui éclatent aujourd’hui lorsqu’il annonçait que[3]:
« L’Europe, c’est la civilisation de la raison discursive : de l’analyse, de la mathématique, de la mécanique. Vos tentations, auxquelles vous avez parfois succombé, c’est la dichotomie et, partant, l’idéalisme et le matérialisme. Vous avez trop souvent opposé l’esprit à la matière, le science à la foi -ou à l’art- pour ne pas vous être aperçus du danger. Le danger de créer un monde de machines, sans âme, je veux dire sans chaleur humaine »
Nous [4] sommes si fiers de notre culture de la palabre qu’une certaine vision de l’Occident se plaît à définir comme d’interminables paroles vaseuses et oiseuses, sans tête ni queue. L’arbre à palabres, c’est notre agora. C’est ce lieu où les contradictions les plus acerbes s’expriment d’abord pour se résoudre ensuite dans une harmonieuse unité des esprits et des cœurs. C’est donc ce lieu où naît la Concordia et où se construit la cohésion de nos sociétés. La parole sacrée qui clôt la palabre est la gardienne d’un code d’honneur, code de conduite et mode de gestion de la Cité. Elle garde et transmet les valeurs que sont le respect de la parole donnée, la soumission à la règle du droit d’ainesse, l’obligation d’accorder le pardon à celui qui le demande d’une manière honnête et sincère avec la volonté ferme de ne plus le solliciter pour la même raison.
Ce sont toutes ces valeurs, aujourd’hui menacées, qui font le socle de nos lois non écrites, comme on en trouvait en Grèce et qui constituaient aussi le fondement de l’hellénisme.
[1] Hamidou Sall, L’occident ambigu, Ed. Erick Bonnier, p 44.
[2] Hamidou Sall, L’occident ambigu, Ed. Erick Bonnier, p 66.
[3] Hamidou Sall, L’occident ambigu, Ed. Erick Bonnier, p 113-115
[4] Hamidou Sall, L’occident ambigu, Ed. Erick Bonnier, p 113
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