///Roger Bastide, « L’acculturation »

Roger Bastide, « L’acculturation »

By | 2018-02-15T06:57:59+01:00 23 décembre 2017|Ethnologie, Sciences humaines|0 Comments

Thème du tiers inclus: Face à une vision absolutisée de la génèse de la société afro américaine (Arrachement pour l’un, écrasement pour l’autre), l’anthropologue français Roger Bastide propose une vision dynamique de cette société, tiers inclus d’ interactions réciproques (trajective au sens Berquien) entre les cultures d’origine et les cultures d’accueil.

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Roger Bastide est le pendant de l’américain Herskovits pour la recherche afro-américaniste française. Bastide a été l’animateur des études afro-américanistes et fut le premier à penser les Amériques noires comme un ensemble unifié. Il a voulu dépasser le débat qui opposait Herskovits à Frazier, autre anthropologue américain au sujet de l’apport de l’Afrique à la société afro-américaine. En fait il s’oppose aux deux thèses. Il remet en question les notions de culture telles que les deux auteurs américains l’ont définie.

Pour Frazier, la culture est liée à la notion de longue histoire, d’une durée dans laquelle s’inscrit la culture. Frazier explique la prétendue absence de culture afro-américaine par l’arrachement qu’ont subi les Africains au moment de leur départ d’Afrique. La culture est pour lui héritage; celui-ci ne peut se transmettre à travers l’esclavage.

Pour Herkovits, en revanche c’est le pouvoir blanc et l’esclavage qui sont à l’origine du phénomène de déculturation.

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Bastide reproche aux deux américanistes leur explication d’une logique externe pour expliquer les cultures noires : l’Afrique ou l’absence d’Afrique pour Frazier, le pouvoir Blanc ou l’esclavage pour Herskovits. Ce qui gène Bastide, c’est l’absence d’une conception dynamique de la culture car pour lui, la culture est un ensemble permanent qui est en perpétuel mouvement: la culture se construit et se déconstruit perpétuellement. Il ne peut y avoir de culture fixe, statique.

Cette vision dynamique incluse échappe à une vision binaire non contradictoire, celles de l’arrachement chez Frazier, de l’écrasement chez Herkovits.

 

Elle rejoint l’état T de Lupasco, situation particulière où les polarités antagonistes donnent naissance à une troisième puissance, en elle-même contradictoire, contenant en elle-même le dynamisme évolutif, états intermédiaires en constant mouvement, polyvalence transfinie constituée tripolairement d’un certain degré d’actualisation et de potentialisation de l’une culture originelle, et de l’autre, culture d’acquisition, et de ce quantum d’antagonisme Lupascien.

 

            Bastide relie en permanence fait social et fait culturel. Il ne tranche pas dans le débat entre « pour » ou « contre » l’Afrique ; il s’intéresse à ce qui s’est joué en fonction du moment où les événements se sont passés, au contexte. Ceci le conduit à proposer des modèles moins monolithiques ( binaires) que ceux jusqu’alors proposés. Il s’efforce, par ce biais, de rendre compte de la complexité du social et s’inscrit dans la droite ligne du tiers-inclus.

 

La rencontre entre cultures est source d’enjeux. L’acculturation est un processus qui n’atteint jamais sa finalité, son aboutissement car elle considère qu’il n’y a pas de culture fermée, de culture close. L’acculturation est permanente dès contact entre groupes humains, interpénétration de civilisations. Elle est un processus dynamique en cours dont les causes sont externes au groupe. Cela se passe parce qu’il y a rencontre : c’est le sens du préfixe ac- (ou ad-). Le terme est construit de manière dynamique ; il faut donc analyser le processus en cours qui se distingue de la diffusion culturelle.

 

L’acculturation nécessite un contact direct et durable entraînant alors des changements dans les modèles initiaux des deux groupes. Le résultat n’est pas une résultante mais trouve son existence et son dynamisme en lui-même, tiers-inclus au contact des pôles identitaires ne disparaissant jamais.

 

Elle se distingue du changement culturel ou de la diffusion d’un trait culturel.

 

Dans ces deux cas, la relation est d’une autre nature :

  • Le changement culturel ne résulte pas nécessairement du contact entre les deux groupes amis mais d’autres polarités agissantes (évolution du monde, environnementales diverses…
  • L’assimilation n’est qu’une phase de l’acculturation. On partage alors le modèle de l’autre culture, l’influence d’origine ne disparaît toutefois jamais.

 

L’intégration renvoie davantage à un phénomène social, moins culturel. L’intégration c’est la possibilité de participer à la vie de la société. Dans ce cas, c’est la participation qui fonde l’intégration.

Ceci rejoint  la pensée de Pierre Legendre* pour qui la mécanique identificatoire dans l’humanité suppose la mise hors d’atteinte de « ce qui ne meurt pas », le « Tiers Social ».

 

  • Voir article sur Pierre Legendre et le Tiers social

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