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Saint Augustin : Entre dévotion et émotion musicale. Confessions Livre X, ch. XXXIII

By | 2021-08-30T08:22:54+02:00 30 juillet 2021|Art, Musique, Religion|2 Comments

Thème du Tiers inclus : La foi

Antagonismes en interaction : Raison ~ Sensation, Prière ~ Émotion musicale, Dévotion ~ Plaisir de la mélodie, Ars Antiqua ~ Ars nova. Entre recueillement et plaisir et effets que procure la musique, Péché ~ Pureté

 

*

 

Le chant embellit la prière mais jette un trouble.

Il nécessite un effort incessant

pour canaliser l’émotion qu’il suscite

et

endiguer une jouissance perturbatrice de la dévotion

 

*

Saint Augustin Confessions Livre X, ch. XXXIII

 

 

 Les plaisirs de l’ouïe m’avaient enveloppé et subjugué plus tenacement,

mais vous m’avez délié et libéré.

Je me plais maintenant encore, je l’avoue,

aux chants qu’animent vos paroles,

lorsqu’ils sont exécutés par une voix agréable et savante,

sans toutefois me laisser lier par eux

et tout en gardant la liberté de me lever quand je le veux.

 

Pour être admis en moi avec les pensées mêmes qui les vivifient,

ils cherchent dans mon cœur une place digne d’eux

mais j’ai peine à leur en trouver une qui leur convienne

 

Parfois je crois leur accorder plus d’honneur que je ne devrais

je me rends compte que ces paroles saintes

accompagnées de chant

m’enflamment d’une piété plus religieuse et plus ardente

que si elles étaient sans cet accompagnement

 

C’est que toutes les émotions de notre âme ont

selon leurs caractères divers

leur mode d’expression propre dans la voix et le chant

qui par je ne sais quelle mystérieuse affinité les stimule

 

Mais le plaisir des sens

par quoi il ne faut pas laisser énerver l’âme

me trompe souvent

 

La sensation ne s’en tient pas à accompagner la raison en la suivant modestement

mais elle qui tient de la raison tous ses titres à être admise

cherche à la précéder et à la conduire

C’est en cela que je pèche à mon insu

j’en prends conscience après coup

 

*

 

D’autres fois je me défie exagérément de ce piège

et je m’égare par trop de sévérité

 

C’est au point qu’en ces moments où je voudrais à tout prix

éloigner de mes oreilles et de celles de l’Église même,

la mélodie de ces suaves cantilènes

qui servent d’habituel accompagnement aux psaumes de David

 

Alors je crois plus sûre la pratique

qui fut celle d’Athanase, l‘évêque d’Alexandrie.

 

Je me souviens d’avoir souvent entendu dire

qu’il les faisait réciter avec de si faibles modulations de voix

que c’était plutôt une déclamation qu’un chant.

 

*

 

Cependant lorsque je me rappelle les larmes que je versais

en écoutant les chants de votre Église

aux premiers jours de ma conversion

et que maintenant encore

ce n’est pas à vrai dire le chant qui m’émeut

mais les paroles chantées

lorsqu’elles le sont par une voix pure avec des modulations appropriées

je reconnais de nouveau la grande utilité de cette institution.

 

*

 

 Ainsi je flotte entre le danger du plaisir et la constatation des bons effets qu’elle opère

et, tout en me gardant d’un avis irrévocable

je penche à approuver la coutume du chant dans l’église

afin que

par le charme des oreilles

l’âme encore trop faible s’élève aux sentiments de la piété

 

D’ailleurs, quand il m’arrive d’être plus ému du chant que des paroles chantées,

j’avoue que mon péché mérite pénitence,

et alors

je préférerais ne pas entendre de chants

 

                                                                                                                          …

 

                                                          Confessions, Livre X, ch. XXXIII

 

 

Sensible à la musique, Saint Augustin s’efforcera de décider à l’avance d’un système d’évaluation qui permettra de la maîtriser, il s’efforcera de construire un référentiel lui permettant de décider du caractère licite ou non d’une profération rituelle. Le chant de la prière s’apparente alors à la gestion d’un risque profératoire.*

 

* Denis Laborde, Des passions de l’âme au discours de la musique.

 

2 Comments

  1. Chantal LEYGONIE 30 juillet 2021 at 18 h 03 min

    Que la raison se laisse perdre par la sensation et nous retrouverons peut-être la raison par ces temps si durs et dénués de sentiments.

    Merci de vos envois
    Cordialement

  2. Laurence Scimone 5 août 2021 at 8 h 59 min

    Bonjour Claude

    Je vous remercie pour votre envoi de mail !
    Il est important de lâcher son cortex frontal pour vivre pleinement avec son striatum !
    Carpe diem

    Bien à vous

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